Écoute musicale n°17
Écoute musicale n°17

Écoute musicale n°17

Invitation aux voyages

Á quelques jours des vacances d’été, je vous propose de voyager en restant chez vous, comme Claude Debussy (1862-1918) nous y invite dans ses Estampes pour piano composées en 1903.

Voici ces 3 Estampes interprétées en public par Alain Planès en 2018 :

00:00 Pagodes 05:45 La Soirée dans Grenade 10:58 Jardin Sous la pluie

Ce qui me frappe dans la musique de Debussy, c’est l’impression qu’elle est toujours improvisée.
Bien que ce ne soit évidemment pas le cas, je trouve que c’est une entrée possible pour inviter à improviser soi-même.
On trouve ici beaucoup d’éléments qui peuvent inspirer, quelque soit son niveau instrumental, notamment dans l’usage des dissonances comme touches de couleur quasi sensorielle, qui fait bien sûr écho au travail sensoriel proposé par Edgar Willems pour recevoir les vibrations sans a priori

Et pour prolonger le rapport à l’éducation musicale, il faut bien sûr souligner les citations de chansons traditionnelles et leur traitement singulier dans la 3ème Estampe « Le jardin sous la pluie ». Ceci pour défendre au passage l’apprentissage de ce répertoire chargé d’histoire (souvent à double sens, qu’il n’est pas nécessaire de dévoiler !).

Cependant il n’est pas indispensable de connaître ces chansons enfantines pour apprécier et aimer cette œuvre du musicien-impressionniste (à son corps défendant) dont la musique est tellement évocatrice d’images, de sensations, d’impressions, sans pour autant être dénuée de sentiments… Est-on si éloigné des couleurs d’Olivier Messiaen évoquées dans l’Écoute musicale n°16 ?

Présentation de l’enregistrement par France-Musiques

Le pianiste Alain Planès interprète les Estampes de Claude Debussy. Enregistré le 9 mars 2018 à l’Auditorium de la Maison de la Radio (Paris). A partir des Estampes, Claude Debussy commence à donner à ses pièces des noms significatifs. La musique traduit des impressions qui amènent l’auditeur à voyager par l’imagination. « Pagodes », la première des Estampes le transporte en Extrême-Orient et évoque le gamelan balinais que Debussy a découvert lors de l’Exposition universelle de 1889 à Paris. Ponctuée par un rythme de habanera, la « Soirée à Grenade »nous entraîne quant à elle au beau milieu d’une nuit en Andalousie. A l’époque où il écrit cette pièce, Debussy n’a jamais mis les pieds en Espagne. Mais sa musique sonne tellement juste que même le compositeur espagnol Manuel de Falla se prend au jeu, comme le rapporte le musicologue Harry Halbreich : « c’est bien l’Andalousie qu’on nous présente : la vérité sans l’authenticité, pourrions-nous dire, étant donné qu’il n’y a pas une mesure directement empruntée au folklore espagnol et que, nonobstant, tout le morceau, jusque dans ses moindres détails, fait sentir l’Espagne ». Enfin, les « Jardins sous la pluie » nous ramènent en France et s’inspirent de comptines enfantines comme « Nous n’irons plus au bois » et « Do, do, l’enfant do ». Composées en juillet 1903, les Estampes sont créées quelques mois plus tard en janvier 1904 à la Salle Erard.

Biographie de Claude Debussy

Je vous renvoie également à la courte biographie écrite par le journaliste Olivier Bellamy pour Radio Classique :
https://www.radioclassique.fr/compositeurs/claude-debussy/biographie/ copié ci-dessous :

Français par son raffinement, l’art de Debussy est aussi voluptueux que le philtre wagnérien sans que rien « ne pèse ni ne pose » (Verlaine) et possède un mystère qui « fixe des vertiges » (Rimbaud). Aucune musique ne semble aussi libre, affranchie des règles de l’harmonie académique et proche des phénomènes de la nature.

Claude Debussy en 10 dates :

  • 1862 : Naissance le 22 août à Saint-Germain-en-Laye
  • 1872 : Entrée au Conservatoire de Paris
  • 1884 : Grand Prix de Rome
  • 1894 : Première audition de Prélude à l’après-midi d’un faune
  • 1902 : Première de Pelléas et Mélisande à l’Opéra-Comique
  • 1908 : Première de La Mer aux Concerts Colonne
  • 1910 : Création de quatre Préludes (1er Livre) par Debussy
  • 1913 : Création de trois Préludes (2e Livre) par Riccardo Viñes
  • 1917 : Création de la Sonate pour violon et piano à la salle Gaveau
  • 1918 : Mort le 25 mars.

On a souvent qualifié la musique de Debussy d’impressionniste. Le compositeur réfutait ce qualificatif trop restrictif et rattaché à un mouvement pictural. Son art est tout autant lyrique, symboliste, pointilliste, expressionniste… il échappe aux écoles et à l’analyse

Achille-Claude Debussy (il signera plus tard « Claude Achille de France ») naît le 22 août 1862 au 38, rue au Pain à Saint-Germain-en-Laye (où se trouve un musée qui organise des concerts). Il est l’aîné de quatre enfants dans une famille où l’on est marchand de faïence. Quand la guerre de 1870 éclate, il est à Cannes avec sa mère et découvre la musique grâce à un ami de sa tante qui joue du violon. Resté à Paris, son père participe à la Commune de Paris et se retrouve jeté au cachot par la police de Thiers. Il partage sa cellule avec un chef d’orchestre autodidacte et lui parle de son fils.

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De retour à la capitale, la famille s’installe rue Pigalle. L’enfant est confié à la mère du chef incarcéré, Madame Mauté qu’on dit élève de Chopin et dont la fille a épousé Verlaine. « Ma vieille maîtresse de piano, petite femme grosse, qui m’a précipité dans le Bach qu’elle jouait en y mettant de la vie. »

Une recommandation du compositeur Félicien David permet à Claude Debussy de passer le concours d’entrée au Conservatoire de Paris. Il y est reçu à l’âge de 10 ans

L’enfant entre dans la classe de Marmontel qui lui trouve « un tempérament d’artiste » et lui prédit un « avenir de musicien ». Le tempérament étrange de Debussy ne passe pas inaperçu, mais il est sans rival lorsqu’il joue Chopin avec un son pur et moelleux. Toutefois, il a tendance à rater ses auditions et à passer pour quelqu’un qui ne travaille pas assez. Il fait enrager son professeur d’harmonie : « stupides leçons qui nous poussent à tous harmoniser de la même manière ». Émile Durand juge ses travaux « pas très orthodoxes mais très ingénieux ». Plus tard, répondant au Questionnaire de Proust, à la question « Pour quelles fautes avez-vous le plus d’indulgence ? » Debussy répondra avec ironie : « Pour les fautes d’harmonie ». Il sort du Conservatoire sans Premier prix.

Une dame russe cherche un professeur de musique pour ses enfants. Debussy obtient la place et voyage en Suisse, à Arcachon, en Russie et en Italie. La « dame » n’est autre que Nadejda von Meck, la richissime mécène de Tchaïkovski

À la fin de ses études plutôt décevantes au Conservatoire, Claude Debussy fréquente une femme mariée, Marie Vasnier, à qui il dédie ses premières mélodies. En 1884, il obtient le Prix de Rome avec sa cantate L’enfant prodigue et part pour la Villa Médicis. Il s’y ennuie ferme, loin de sa maîtresse, mais découvre la musique de Palestrina et rencontre Liszt et Verdi.

De retour à Paris, au bout de deux ans, il fréquente les « mardis » de Mallarmé et traîne au « Chat Noir » où il fait la connaissance de Satie. En 1888, il se rend pour la première fois à Bayreuth. La musique de Wagner l’impressionne fortement. Il rejettera plus tard cet engouement en qualifiant Tristan et Isolde de « magnifique crépuscule qu’on a pris pour une aurore ».

En 1889, Debussy se rend à l’Exposition universelle et découvre le gamelan javanais qui va influencer son esthétique. Un nouveau monde de couleurs, de gammes et de rythmes est en train de naître en lui

Le compositeur s’installe avec sa maîtresse Gabrielle Dupont dite « Gaby aux yeux verts » dans le quartier Saint-Lazare et vit chichement. Il compose sa Suite bergamasque pour le piano, son Quatuor (créé par le Quatuor Ysaÿe), mais ne trouve véritablement son style qu’à partir du Prélude à l’après-midi d’un faune (1894) qui est bissé à la Société nationale de musique et le rend célèbre dans toute l’Europe. Cette page, dont le titre est emprunté à Mallarmé, crée un envoûtement chez l’auditeur grâce à son chatoiement de timbres, sa mélodie voluptueuse, et son harmonie originale. On peut dire que Debussy vient d’inventer la musique moderne. L’aurore, c’est bien lui.

Dans un portrait, Colette écrit : « La musique semblait intoxiquer Debussy. Il me semble qu’il l’aimait comme la tulipe de cristal aime le choc qui tire d’elle un son pur. »

En 1894, Debussy commence à écrire son opéra Pelléas et Mélisande d’après la pièce de Maeterlinck. Ce dernier se fait prier pour donner son accord avant d’imposer sa maîtresse Georgette Leblanc (la sœur de l’auteur d’Arsène Lupin) dans le rôle principal. Debussy promet et confie le rôle à l’Écossaise Mary Garden. Le jour de la première à l’Opéra-Comique, le 30 avril 1902, les ennemis de Debussy et les amis de Maeterlinck se mettent d’accord pour créer un scandale retentissant. La prosodie particulière et la nouveauté du traitement poétique de l’œuvre déroute le public. Mais cet opéra de génie gagne rapidement Londres et New York.

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Loin de la mer, en Bourgogne, Debussy travaille à son grand-chef d’œuvre La Mer. Créée aux Concerts Colonne en 1908, cette symphonie demeure pour Sergiu Celibidache « la Bible de la musique française »

Après la création de Nocturnes, Debussy quitte sa maîtresse pour épouser Rosalie Texier, « Lily », une jolie couturière, avant de tomber amoureux de la femme d’un riche banquier, Emma Berdac, qui fut autrefois la maîtresse de Gabriel Fauré. Il s’enfuit avec elle à Jersey où il compose Masques, imprégnés du tragique de l’existence, et L’île joyeuse dans une euphorie érotique. Lily tente de se suicider d’un coup de revolver dans la poitrine. Les amis du compositeur se détournent de lui et le jugent sévèrement. Finalement, Claude et Emma se marient en 1908. Une fille naît de cette union : Claude-Emma, dite « Chouchou », pour qui son tendre papa écrit ses Children’s Corner.

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Debussy a des goûts (et surtout des dégoûts) bien arrêtés. Il n’aime pas Berlioz et se méfie de Ravel. Il raille Beethoven, Wagner, Brahms et Strauss. Mais il adore Rameau et Moussorgski. Ses articles savoureux sont réunis sous le titre de Monsieur Croche

Après Estampes (1904) et Images (1906-1908), Debussy se lance dans ses deux livres de Préludes pour le piano entre 1909 et 1912. La maladie – on lui diagnostique un cancer du rectum – entrave la composition d’Images pour orchestre, créée en 1910 sous les huées et de Jeux pour les Ballets russes, reçue fraîchement.

Il accepte une tournée en Russie malgré la douleur qui lui impose des souffrances atroces. En hommage à Chopin, il compose des Études fascinantes de modernité. Ayant le projet d’écrire six sonates de musique de chambre, il ne réussit qu’à en terminer trois : Sonate pour violoncelle et piano, Sonate pour flûte, alto et harpe, Sonate pour violon et piano. Trois diamants. Il pousse son dernier soupir, le 25 mars 1918, chez lui, au 240 square du Bois-de-Boulogne. L’année suivante, Chouchou meurt de diphtérie. Elle repose avec ses parents au cimetière de Passy.

Olivier Bellamy

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