Les contre-exemples en question
Les contre-exemples en question

Les contre-exemples en question

Les contre-exemples en question

Le rôle d’un professeur est naturellement de présenter le meilleur de sa discipline en donnant le meilleur de lui-même.
Ainsi les exemples donnés aux élèves doivent-ils être bien choisis pour les entraîner dans la direction la plus efficace pour maîtriser à leur tour cette discipline.

Seulement l’élève ne va pas forcément réussir du premier coup à entrer dans les pas de son professeur, et le plus souvent il ne se rend pas compte qu’il ne fait pas ce qu’il faut pour y arriver. Or j’ai très souvent constaté que ce ne sont pas les capacités d’imitation, d’assimilation ou de compréhension de l’élève qui sont en cause, mais simplement le fait qu’il n’a pas compris ce qu’on attendait de lui. Dès lors, « l’échec » relatif de l’élève peut faire croire au professeur qu’il n’est pas « capable » de réaliser tel ou tel exercice estimé nécessaire à sa progression, et conduire ce professeur à une mauvaise appréciation des capacités de son élève.

Il est donc précieux de s’assurer que l’élève a bien compris ce qu’on attend de lui.
Lui poser la question « Tu as compris ? » ne garantit nullement que ça soit le cas s’il répond « Oui ! ».

C’est là qu’intervient le principe de « contre-exemple ». C’est devenu pour moi un principe de travail quasi systématique.
Ça prend très peu de temps, c’est souvent comique, et ça clarifie la question dès le départ.
Au passage, si l’effet est comique, ça dédramatise d’emblée l’échec possible d’un élève car on peut alors mettre en évidence que ce n’est pas le professeur qui est drôle (et dont on se moque en riant), mais le contraste de la situation.

Je considère ce point comme fondamental en pédagogie : distinguer la personne dans son être entier (et Ô combien complexe !) de la situation qu’elle réalise. La caricature inverse est fatale : l’élève n’a pas réussi, donc il est « nul »… Ce jugement catégorique pèsera lourd sur la confiance en soi de cet élève, alors que l’erreur est sans doute du côté du professeur : soit il ne s’est pas fait comprendre, soit il a proposé un exercice inadapté au niveau de son élève à ce moment-là (tiens, voilà déjà un contre-exemple !).

Études de cas

Apparier / Distinguer / Reconnaître

Apparier et distinguer sont deux principes opposés et complémentaires auxquels s’apparente la question du jour : les contre-exemples.
La pédagogie Willems® les confronte dès le début d’une leçon de premier degré d’éducation musicale.
L’élève doit apparier des bruits identiques présentés dans une série de 5 ou 6 paires de boîtes identiques.
Les objets étant visibles et extérieurs à l’élève, les contrastes sont faciles à observer et ne mettent pas en jeu les sentiments de l’élève.

Reconnaître : distinguer un objet sonore d’un autre est simple si on regarde. Les devinettes les yeux fermés sont beaucoup plus complexes, car ils mettent en jeu la mémoire. L’appariement se réalise alors dans la tête de l’élève qui doit associer le son à l’image de l’objet qu’il a associé à ce son. Ainsi la « discrimination » auditive est-elle intimement liée à la notion d’appariement.
Pour faciliter l’exercice au début, il convient de choisir des objets sonores très différents les uns des autres.
Le développement auditif consistera à réduire progressivement ces différences tout en augmentant la mémoire.

La dénomination des phénomènes sonores et musicaux

C’est également un principe de travail réalisé dès le premier degré d’éducation musicale : nommer tout ce qu’on présente et tout ce qu’on fait. Une clochette, un tambour, des grelots, une sirène, une flûte à coulisse, un son, une montée, une descente, haut, bas, fort, doux, chanter, parler, un intervalle, une mélodie, un accord, rapide, lent, marcher, courir, sauter…

Le vocabulaire est essentiel au langage et à la compréhension. Il appartient aussi au professeur de musique d’enrichir le vocabulaire de l’enfant dans le domaine musical. C’est un élément mental mais non abstrait. Ce n’est pas de la théorie !
En revanche, la théorie aura besoin de ce vocabulaire pour transformer des expériences constatées en règles définissant le meilleur chemin pour parvenir directement au même résultat.
Ainsi, comme dit Edgar Willems, c’est la Vie qui crée les formes, et non les formes qui créent la Vie !

Le sens du Tempo

En quoi consiste le sens du Tempo ? C’est la perception d’un choc régulier, frappé ou ressenti, sur une période donnée.
Il se nommera rapide ou lent et sera identifiable par sa stabilité. Le contraire du Tempo sera donc caractérisé par des variations de vitesse dans une période donnée.

Ce principe peu prendre beaucoup de temps à être assimilé. Il se décline à plusieurs niveaux : dans les frappés, dans les mouvements corporels naturels, dans les réalisations instrumentales…

Les frappés : plusieurs aspects peuvent être mis en évidence par l’exemple et le contre-exemple.
En premier lieu, la synchronisation des chocs par le groupe : pouvoir identifier si on frappe tous ensemble ou s’il y a des décalages. Ensuite la perception de la régularité des frappés associés à une musique ou une chanson.
Il est beaucoup plus facile de l’observer de loin que quand on participe aux frappés.
Là le professeur peut donner plusieurs exemples de frappés et questionner sur lequel est le plus adapté à la demande.
C’est amusant pour le professeur de réaliser ces contre-exemples qui lui imposent de chanter une chanson avec un Tempo stable et de frapper avec des bâtonnets de façon irrégulière, voire libre : une bonne occasion de travailler son indépendance poly-rythmique ! Il est alors facile de demander aux élèves de commenter les frappés de l’un d’entre eux : frappe-t-il le Tempo ou autre chose ?…

Les mouvements corporels naturels : c’est probablement le plus délicat à assimiler de façon « naturelle » et non ostentatoire ou caricaturale (type marche militaire).
Comme souvent dans la proposition d’Edgar Willems, la question est abordée sous plusieurs angles.
La diversité même des mouvements basiques élargit le champ des possibles et donc des portes d’accès :
Marche, Course, Sautillé ou Galop, Sauts sur place, Balancement, Mouvements tournants.
Il est normal au début que l’enfant associe « Tempo » à différencier ces types de mouvements.
Après une période d’adaptation et de compréhension du vocabulaire associé, le professeur devra affiner dans chaque cas la perception du Tempo quelque soit le mouvement. Là encore, les contre-exemples seront très parlants pour que les enfants comprennent bien ce qu’on attend d’eux. Ils auront un temps de réalisation, d’expérimentation, puis un temps d’observation du professeur proposant diverses possibilités (dont la bonne) qu’ils sont invités à commenter, puis observer et commenter des élèves qui réalisent seuls, et enfin collectivement pour ressentir l’unité de l’élan partagé par le groupe qui se synchronise peu à peu avec la musique.

Les réalisations instrumentales : elles arriveront après l’initiation, et même si l’élève a acquis un bon sens du Tempo, il peut être trop préoccupé par la réalisation technique et musicale de la pièce qu’il joue. Alors il ne se rend pas toujours compte qu’il accélère ou ralentit. L’usage d’un métronome ne lui donnera pas le sens du Tempo s’il ne l’a pas acquis plus tôt. Mais s’il a appris à écouter, observer, ressentir cette régularité, en particulier dans les Mouvements Corporels Naturels, le métronome sera un bon garde-fou et un excellent outil pour travailler une progression et une maîtrise technique, notamment dans la lenteur (qui permet et impose plus d’anticipation des gestes et permet de les décomposer, analyser, et perfectionner)…

Conclusion

J’espère avoir montré à travers ces quelques exemples l’intérêt de multiplier les contre-exemples.
Il y a toujours un risque dans l’excès et la caricature, c’est pourquoi il faut veiller à ne pas singer les élèves qui ne réalisent pas bien ce qu’on leur propose, mais anticiper ce qu’ils pourraient faire (et feront sans doute au début) en présentant ces contre-exemples assez tôt.
Il y a aussi de nombreuses situations où ce n’est pas nécessaire, notamment dans le chant : l’imprégnation d’un bel exemple vocal, sensible et expressif aura un pouvoir hautement qualitatif, surtout s’il est donné avec sincérité.
La Vie appelle la Vie, en général, et un exemple vivant, sincère et expressif, en un mot, artistique, vaudra mieux que des contre-exemples caricaturaux… Ces contre-exemples pourront toujours clarifier une situation.

Merci d’avance pour vos commentaires et témoignages sur cet article, possibles en ligne dans le cadre ci-dessous.

Christophe Lazerges.

Un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *