La confiance en soi en question
La confiance en soi en question

La confiance en soi en question

La confiance en soi en question

Le thème de « la confiance en soi » est dans l’air du temps et on voit fleurir les propositions de développement personnel.
En ce qui concerne l’éducation musicale, Edgar Willems parle dans ses livres de « développement auditif », de « développement du sens rythmique, mélodique, harmonique », pour mener à un développement harmonieux de l’être humain à travers le prisme de l’éducation musicale.
Au bout du compte, il s’agit de contribuer à vivre plus heureux, en harmonie avec soi-même et avec les autres !

Pourtant la « Méthode Willems® » n’est pas cataloguée comme étant une méthode pour atteindre le bonheur, et c’est tant mieux !
Même si Edgar Willems a aussi écrit sur diverses formes de thérapies possibles par l’éducation musicale.

Cette question de la confiance en soi devrait être un sujet de vigilance pour tout éducateur, tant pour ses élèves que pour lui-même.
Je vais questionner ce sujet dans les deux directions.

Quelques éléments de définition de la confiance en soi
Article de Wikipédia (extraits)

« On augmente la confiance en soi à partir des expériences qui permettent de maîtriser des activités particulières. C’est une croyance positive que dans le futur, on peut généralement accomplir ce que l’on souhaite faire. »
« La confiance en soi n’est pas la même chose que l’estime de soi, qui est une évaluation de sa propre valeur, alors que la confiance en soi est plus précisément la capacité d’atteindre un objectif, une généralisation de l’auto-efficacitéAbraham Maslow et beaucoup d’autres après lui ont souligné la nécessité de faire la distinction entre la confiance en soi en tant que caractéristique de personnalité généralisée et la confiance en soi concernant une tâche, une capacité ou un défi spécifique (efficacité personnelle). »

– Extrait de « Psychologie Magazine »

« Avoir confiance en soi c’est avant tout se connaître, c’est croire en son potentiel et en ses capacités. »
« D’après la psychothérapeute Isabelle Filliozat, quatre étapes sont indispensables au développement de la confiance en soi. Elle s’acquiert grâce à une
sécurité intérieure, une affirmation des besoins, une acquisition des compétences et une reconnaissance par les autres. » …

– Extrait d’un article de Edith Haber, psychologue et psychothérapeute à Paris

L’estime de soi et la confiance en soi, deux ressources indispensables à l’équilibre et à l’épanouissement personnel.

Estime de soi

L’estime de soi correspond à l’appréciation que l’on se fait de soi. On peut parler d’une évaluation personnelle de ses caractéristiques et de ses comportements par rapport à ses valeurs.
Une bonne estime de soi repose sur la reconnaissance de ses qualités, de ses atouts, de ses goûts, de ses opinions. Ce qui permet de se faire une idée plus complète et valorisante de qui nous sommes.
Avoir une bonne image de soi, revient à se plaire et à avoir une vision positive de soi. Cela n’ayant aucun rapport avec l’orgueil et la prétention, mais bien avec l’estimation que l’on fait de sa valeur.
Une estime de soi positive s’accorde avec l’envie de se mettre en valeur, de penser à soi, de se motiver et de se sentir à sa place.
L’estime de soi correspond à l’identification et à la reconnaissance de ce que l’on vaut.
L’estime de soi est fluctuante, ainsi en fonction du jugement que l’on porte sur ses actes on peut se valoriser en considérant que ce que l’on a fait est valable ou au contraire se dévaloriser.

La confiance en soi

La confiance en soi est le carburant qui va nous permettre d’agir, de prendre des décisions, de faire valoir nos droits et nos envies, d’oser, de croire en nos capacités afin de faire face même aux situations les plus complexes.
Avoir confiance en soi correspond à la croyance en son potentiel, ses capacités, ses qualités, ses valeurs, ses possibilités.
Elle s’entretient et se nourrit continuellement.

Estime de soi et confiance en soi
Différences entre les concepts d’estime de soi et confiance en soi

En résumé…

… et pour resserrer le sujet sur l’éducation musicale, je dirai que la confiance en soi est liée à une certaine maîtrise de ses propres capacités à réaliser quelque chose, renforcée par une reconnaissance de ces capacités par une personne jugée maître en la matière.

La confiance en soi pour les élèves

Plusieurs psychologues cités dans les articles ci-dessus insistent sur le fait que la confiance en soi se construit dès l’enfance.
Comme professeur d’éducation musicale spécialisés dans la petite enfance, nous sommes donc particulièrement concernés.

Edgar Willems insiste beaucoup sur le fait que l’enfant doit réussir tout ce qu’on lui propose comme exercice.
Tout doit être facile dès le début, puis rester accessible facilement après seulement quelques tâtonnements.
Un enfant, et plus généralement un élève qui réussit tout ce qu’on lui propose comme exercice aura confiance en ses capacités, mais s’il sait déjà faire tout ce qu’on lui propose, il ne progresse pas, n’apprend rien de nouveau, et le professeur manque à son rôle d’éducateur : apprendre à faire seul et donner les outils pour résoudre des situations inédites ou complexes.

Ce n’est pas l’échec qui sera le moteur de l’augmentation de ses compétences, mais l’expérimentation dans la limite du réalisable. Si après quelques courts essais, l’élève trouve la bonne solution, il augmentera sa confiance dans ses capacités à aborder des exercices plus difficiles car l’expérimentation lui aura permis d’acquérir certains fonctionnements transférables à d’autres situations.

Le rôle du professeur est d’abord de bien choisir le degré de difficulté auquel il va soumettre ses élèves, puis de les encourager dans leurs recherches expérimentales, et enfin de les féliciter de leurs progrès.
Il y a là une tendance à sur-qualifier les réussites : « Génial ! Super ! Fantastique ! Extra ! » et j’en passe…
Comme s’il était incroyable qu’un élève reconnaisse une clochette parmi d’autres ? Non, ce n’est pas incroyable si le professeur croit en ses capacités, mais c’est « bien » si l’élève arrive à faire à un moment ce qu’il n’arrivait pas à faire auparavant.
C’est ça progresser. Valoriser la progression par « Bien ! C’est mieux ! Oui, c’est ça ! » est suffisant.
Réserver les superlatifs aux résultats vraiment exceptionnels donne aussi une marge de progression aux encouragements du professeur.

A quel moment ces commentaires sont-ils pertinents dans un cours d’éducation musicale ?
Tout le temps ! Et ce n’est pas pour sacrifier à un principe démagogique de toujours positiver ce que fait l’élève !
C’est lui donner confiance en l’aidant à constater les progrès qu’il a réalisés.

Concernant les étapes d’une progression, elles peuvent être diluées à doses homéopathiques. Travailler avec des enfants ou des adultes handicapés est extrêmement enrichissant de ce point de vue, et l’on apprend à réduire la hauteur des marches à grimper pour rester dans des propositions réalisables.
Il y a pourtant quelques exceptions.

Deux exemples

J’ai souvent constaté que proposer un exercice seulement un peu plus difficile ne marchait pas toujours, notamment pour le développement vocal. Un enfant qui bourdonne n’arrive pas à sortir de son registre grave et imprécis pour plusieurs raisons : son manque de tonus, son manque d’écoute de sa voix (pour la contrôler), son manque d’expérience vocale, entre autres.
S’il arrive à rechanter un son grave, comme un La2 par exemple, et qu’on lui demande de rechanter un Sib2, il se peut qu’il n’y arrive pas. Alors que si on lui demande de rechanter un Mi4, il y arrivera peut-être. Car pour y arriver, il mobilisera plus d’énergie qui peut alimenter un tonus vocal, et par mimétisme (presque par le cri) lui faire découvrir un registre qu’il n’a jamais exploré : sa « petite voix », sa voix naturelle d’enfant. Dans ce cas, la progression logique par demi-tons n’avait pas marché, tandis qu’une espèce de choc vocal a ouvert une brèche qu’il conviendra d’élargir et de renforcer.

Autre cas de figure, pour une réalisation rythmique par exemple. J’ai également souvent constaté qu’un élève pouvait peiner à conserver un Tempo, alors que si je lui demandais de frapper un Tempo d’une main et un ostinato dynamique de l’autre main, il pouvait réussir à faire les deux ! Là encore, c’est le dynamisme qui est en jeu, et aussi une concentration renforcée pour réussir quelque chose d’apparemment plus compliqué. En réalité, la concentration se focalisant sur l’ostinato, le Tempo a suivi tout seul…

Bien sûr, ça ne marche pas à tous les coups ! Et ça dépend en grande partie de la confiance qui aura été établie préalablement entre l’élève et son professeur. Cette confiance se sera créée par la certitude inconsciente de l’élève, que son professeur ne le mènera pas à une impasse… Et si ça ne marche pas, ce n’est pas grave, on passe à autre chose, on y reviendra plus tard, avec des objectifs plus adaptés.

La confiance en soi pour les professeurs

Elle est plus délicate et se déclinera aussi avec l’estime de soi.

A moins d’être autodidacte, comme l’était Edgar Willems, ce qui entraîne une grande confiance en soi et une haute estime de soi, la plupart des professeurs suivent des formations et ont donc eux-même des professeurs/formateurs.
Si les formateurs vont trop vite dans leur progression, ou si les pré-requis nécessaires à l’assimilation de cette progression n’ont pas été évalués, ou sous-évalués, les étudiants en formation vont être confrontés à beaucoup d’échecs très dévalorisants pour leur estime de soi.

Si par ailleurs le travail de ces professeurs est jugé trop souvent négativement par le formateur, alors la confiance en soi, c’est-à-dire sa conviction dans une certaine maîtrise de certaines compétences, va voler en éclats, entraînant dans sa chute l’estime de soi. Il peut y avoir de la part du formateur une volonté plus ou moins consciente d’affirmer voire imposer sa supériorité et asseoir son pouvoir.
Dans ce cas, un seul conseil : fuyez !

Edgar Willems n’est pas un gourou, même s’il était probablement convaincu d’avoir raison ! Il s’inscrit dans un grand courant de profondes réflexions pédagogiques depuis la fin du XIX° s. auquel il apporte des outils d’analyse originaux. Il se présente comme « phénoménologue », expose des faits qu’il a observés, que chacun peut observer comme lui. Son apport particulier est d’en ordonner l’exposition ce qui met en évidence les liens qui les relient, ou pas, et les chemins possibles pour les maîtriser. Pour cela, il écrit qu’il faut « avoir de la méthode » plus que de suivre une méthode.

Cependant, il est sain pour un pédagogue de remettre en question sa pratique et ses objectifs.
Le formateur est aussi là pour apprendre à se questionner. Ce qui ne veut pas dire tout remettre en cause tout le temps.
Un pédagogue qui ne se questionne pas risque de perdre peu à peu son sens de l’observation du réel, et finir par asséner sa vérité et imposer son fonctionnement et son jugement. Quand un formateur juge en permanence, relevant le moindre défaut d’une pratique pédagogique, il enlève peu à peu la confiance de son étudiant qui finit par douter de ses capacités et compétences, et ce qui est plus triste, l’amène à n’être jamais satisfait de son travail… Bien sûr, tout est perfectible, mais ce qui est plus important que la perfection formelle, c’est la qualité de vie et la qualité de l’engagement du professeur. Ce n’est pas parce qu’on peut faire mieux demain que ce qu’on a fait aujourd’hui n’a pas de valeur !

Par ailleurs, considérer la valeur unique de l’enfant, son potentiel humain et artistique, et l’inconnue totale de l’alchimie qui préside à son développement intérieur, relativise le pouvoir de l’éducateur sans lui ôter la responsabilité de son influence. Penser que chaque enfant avec lequel on travaille a un potentiel en lui qui peut éclore aujourd’hui ou plus tard donne à l’éducateur l’obligation de lui apporter le meilleur de lui-même.
J’ai mis longtemps à comprendre que moi aussi, nous aussi, professeurs, éducateurs, formateurs, avons cette possibilité d’évolution, d’éclosion, tout au long de notre vie. Le chemin est parfois très long pour découvrir son domaine de compétence, mais je suis convaincu que chaque être humain en possède un, quelque part, souvent caché au cœur de l’enfant qui demeure en lui.

Ainsi l’éducation musicale, des deux côtés de la barrière entre élève et professeur peut-elle être une réelle source de Joie, elle-même expression plus ou moins fugitive du bonheur…

Christophe Lazerges.

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