En ces temps de rentrée des écoles de musique, je pense à mes anciens élèves pianistes.
Les Kinderszenen Op.15 « Scènes d’enfants » de Robert Schumann (1810-1856) sont souvent proposées à leur répertoire.
De difficultés très variées, certaines sont accessibles assez vite techniquement aux jeunes pianistes. Mais le titre prête souvent à confusion : ce ne sont pas des pièces « pour » les enfants, contrairement à la première partie de « L’album pour la jeunesse » Op. 68. Ce sont des impressions et des états d’âme de l’enfance, thème on ne peut plus romantique. Ainsi il n’est pas étonnant, bien que surprenant, de voir de grands pianistes continuer d’explorer ce répertoire même en fin de carrière, comme Vladimir Horowitz.
Cette série de 13 pièces est d’une poésie très fine non dénuée de surprises et de contrastes.
Je vous souhaite une écoute bienfaisante propice à un retour en soi…
Version Nikolaï Lugansky à 45 ans en 2017 (19′).
Version Vladimir Horowitz à 86 ans en 1987 , soit 2 ans avant sa mort (16’40 »).
Les 13 pièces
Les titres n’ont été donnés qu’a posteriori par le compositeur.
- Gens et pays étrangers (Von fremden Ländern und Menschen) en sol majeur
- Curieuse histoire (Kuriose Geschichte) en ré majeur
- Colin-maillard (Hasche-Mann) en si mineur
- L’enfant suppliant (Bittendes Kind) en ré majeur
- Bonheur parfait (Glückes genug) en ré majeur
- Un événement important (Wichtige Begebenheit) en la majeur
- Rêverie (Träumerei) en fa majeur
- Au coin du feu (Am Kamin) en fa majeur
- Cavalier sur le cheval de bois (Ritter vom Steckenpferd) en do majeur
- Presque trop sérieusement (Fast zu ernst) en sol dièse mineur
- Croquemitaine (Fürchtenmachen) en sol majeur
- L’enfant s’endort (Kind im Einschlummern) en mi mineur
- Le poète parle (Der Dichter spricht) en sol majeur
Dans cette dernière pièce, la mesure 12 a un rythme dans lequel le temps suspend son vol.
Je me souviens que Jacques Chapuis avait discuté avec Edith Picht-Axenfeld sur son interprétation de cette mesure et les diverses possibilités de traiter le contre-chant, avec ou sans pédale, présentant son choix du moment et s’interrogeant sur sa pertinence…
Cette question d’interprétation sur un passage aussi simple techniquement m’a révélé lé valeur de la simplicité quand elle devient le dénuement de l’âme…
Présentation de l’œuvre par la chaîne Youtube « Adagietto »
Kinderszenen, « Scènes d’enfance », opus 15 est un ensemble de treize pièces de musique pour piano écrites au printemps 1838. Dans cette œuvre, Schumann nous livre ses souvenirs d’enfance à l’âge adulte. Lorsque Schumann écrivit Kinderszenen, il était profondément amoureux de Clara Wieck, qui allait bientôt devenir sa femme, malgré les objections de son père autoritaire. Le compositeur travaillait à un rythme effréné, composant ces pièces en quelques jours seulement. En réalité, il a écrit une trentaine de petites pièces, mais les a réduites aux treize qui composent l’ensemble. Ces treize pièces témoignent de l’imagination musicale de leur auteur, à l’apogée de sa clarté poétique. En conséquence, les Kinderszenen sont depuis longtemps des incontournables du répertoire, des miniatures à la fois charmantes et substantielles, le genre d’essais compacts pour clavier dans lesquels le génie de Schumann a trouvé sa pleine expression. En mars de cette année-là, Schumann écrivit à Clara : « J’ai attendu ta lettre et j’ai entre-temps rempli plusieurs livres de pièces…. Tu m’as dit un jour que j’avais souvent l’air d’un enfant, et j’ai soudain été inspiré et j’ai écrit une trentaine de petits morceaux pittoresques…. J’en ai sélectionné quelques-unes et les ai intitulées Kinderszenen. Elles vous plairont, mais vous devrez oublier que vous êtes un virtuose lorsque vous les jouerez ».
Les Kinderszenen sont un hommage touchant aux souvenirs et aux sentiments éternels et universels de l’enfance, d’un point de vue nostalgique d’adulte. Elles sont assez simples en termes d’exécution et, bien sûr, leur sujet concerne le monde des enfants. Des jeux fougueux au sommeil et au rêve, Kinderszenen capture les joies et les peines de l’enfance en une série d’instantanés musicaux. Schumann a décrit les titres comme « rien de plus que des indications délicates pour l’exécution et l’interprétation ».
Schumann affirmait que les titres pittoresques attachés aux pièces avaient été ajoutés après coup afin de fournir des suggestions subtiles à l’interprète, un modèle que Debussy suivit des décennies plus tard dans ses Préludes. La scène no 1, « Von fremden Ländern und Menschen » (Des terres et des hommes étrangers), s’ouvre sur une charmante mélodie dont la substance motivique de base, en apparaissant sous plusieurs formes vagues dans de nombreuses autres pièces, sert d’élément unificateur général. La septième scène, « Träumerei » (Rêverie), est de loin la pièce la plus célèbre de la série ; sa charmante mélodie et son pouvoir apaisant l’ont recommandée à des générations de pianistes de concert désireux de calmer le public après une longue série de rappels endiablés. Les Kinderszenen contiennent de nombreuses touches musicales délicates ; la scène no 4, « Bittendes Kind » (Enfant suppliant), par exemple, n’est résolue harmoniquement que lorsqu’une force invisible (un parent ?) cède et exauce le vœu de l’enfant au début de la scène no 5, « Glückes genug » (Tout à fait heureux). Dans la dernière pièce, « Der Dichter spricht » (Le poète parle), Schumann s’éloigne un peu de la rêverie indulgente pour formuler le point de vue omniscient d’un narrateur sur l’enfant. Tranquillement, doucement, les nombreux états d’âme et sentiments abordés par Schumann au cours de cette remarquable œuvre de 20 minutes sont rappelés avec amour, et la composition s’achève, satisfaite, dans la même tonalité de sol majeur que celle dans laquelle elle a débuté.
La septième pièce, « Träumerei » (Rêverie), est la plus populaire de la série. Elle dépeint l’innocence, la vulnérabilité et la douceur de l’enfance. De nombreux pianistes ont interprété ce morceau de manière sentimentale, presque saccharine, tandis que d’autres (Horowitz notamment) ont insisté sur une approche plus objective. Le thème principal est d’une douce innocence et d’un grand sentimentalisme, représentant clairement la vision affectueuse qu’avait l’adulte Schumann de certains aspects de sa propre enfance. La mélodie est inoubliable, les harmonies simples, mais distinctives, et l’atmosphère générale rêveuse et apaisante. Parmi les nombreux thèmes associés aux enfants – celui de la Berceuse de Brahms, plusieurs de Pierre et le Loup de Prokofiev – la mélodie « Träumerei » est l’une des plus mémorables. L’ensemble de la pièce dure moins de trois minutes, mais c’est la plus longue de la série Kinderszenen.