Marcelle de Manziarly (1899-1989)

Marcelle de Manziarly est une compositrice, cheffe de chœur et cheffe d’orchestre, pianiste et professeure de musique, française d’origine russe, née à Kharkov, en Ukraine (alors dans l’empire russe), en 1899 et morte en 1989, à 89 ans à Ojai, en Californie (USA). Elle a composé, joué et dirigé sa propre musique en France et aux États-Unis notamment, ce qui était assez rare à l’époque (les temps ont heureusement changé !). Mais elle est tombée dans un oubli injustifiable (femme dans un monde d’hommes) vue la qualité et la diversité de son œuvre. Aujourd’hui encore, elle est très peu jouée et enregistrée.
Vous verrez qu’on y gagnerait pourtant !
Quelques pépites pour vous mettre en appétit !
Œuvres vocales
Sonate pour 2 Pianos
Trio pour Violon, Violoncelle & Piano
2 Playlists pour une écoute ininterrompue…
Devinettes
Si ça vous amuse, vous pouvez dire en commentaire quelles sont les œuvres rassemblées, et dans quel ordre (elles sont toutes présentées dans l’article) !
Pour ça il faut évidemment avoir tout écouté… 😉
Les titres suivis de * ont un lien qui renvoit au « * Le coin des écoutes comparatives ».
Les titres suivis de ** ont un lien qui renvoit à « ** Pour en savoir plus … ».
Les titres suivis de *** ont un lien qui renvoit à « *** Réponses aux devinettes ».
Sonate pour violon et piano (1918)
I. Modéré, très simple et expressif
II. Lent et grave
III. Tumultueux
Quand on entend cette sonate composée à 19 ans, on regrette que son Quatuor à cordes, de la même année, n’est pas encore été enregistré…
Par Cecilia Zilliacus, Violon & Bengt Forsberg, Piano. Ci-dessous, les 3 Mouvements enchaînés.
Trois atmosphères slaves, pour Piano (1920)
Par Francis Paraïso, Piano.
Piano Trio (1921)
I. Grave, rude, sans lenteur
III. Sans trop de lenteur
II. Rapide
IV. Rude, assez vite
Les 4 Mouvements enchaînés, par les mêmes interprètes :
Cecilia Zilliacus, Violon · Kati Raitinen, Violoncelle · Bengt Forsberg, Piano (2024)
Impressions de mer * (1922)
N° 1 – La grève
N° 2 – Par une journée grise
N° 3 – Par une journée claire
Par Janice Weber, Piano.
Trois Fables de La Fontaine (1935)
Par Hugues Cuenod, Ténor & Geoffrey Parsons, Piano.
I. Le Cigale et la Fourmi
III. La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf
Poèmes en trio (1940)
Poèmes de Louise de Vilmorin, extraits du recueil : « Fiançailles pour rire » (1939) :
I. Amour ** & II. A l’envers de ma porte ** (les deux premiers d’une série de six)
par Agathe Peyrat, soprano Fiona McGown, mezzo-soprano Marielou Jacquard, mezzo-soprano (Abbaye de Royaumont – 2023)
J’ai extrait ces deux Poèmes en Trio du portrait de Marcelle de Manziarly réalisé par la La Boite à Pépites, formidable série consacrée aux femmes compositrices que je vous recommande vivement !
Nocturne * extrait des 6 études pour Piano (1940)
Par Francis Paraïso, Piano.
Sonate pour 2 pianos (1946)
Par Ariane JACOB et François HENRY aux pianos.
Dialogue pour Violoncelle et Piano (1970)
Par Kati Raitinen, Violoncelle & Peter Friis Johansson, Piano.
Trilogue pour violon, violoncelle et piano (1977)
I. Prologue
II. Prémonition
III. Epilogue
Par Cecilia Zilliacus, Violon · Kati Raitinen, Violoncelle · Bengt Forsberg, Piano. Ci-dessous les 3 Mouvements enchaînés.
* Le coin des écoutes comparatives
II. L’Oiseau blessé d’une flèche
Par Hugues Cuenod, Ténor & Geoffrey Parsons, Piano.
Autre version par Marie Therese Holley, Soprano, et un ensemble instrumental dirigé par Nadia Boulanger. (19… ?)
Impressions de mer (1922)
Par Janice Weber, Piano.
Les 3 pièces enchaînées :
La grève – Par une journée grise – Par une journée claire.
Aux Marimbas, par le Duo Contact // Théo Lampérier et Pierre Tomassi – Avec une pensée pour Lucas Duclaux-Loras, je suis toujours impressionné par le jeu à 4 mailloches sur les marimbas, voyez la vidéo !
Nocturne, extrait des 6 études pour Piano (1940)
Par Francis Paraïso, Piano.
Nocturne pour Violon et Piano (1940)
Par Cecilia Zilliacus, Violon & Bengt Forsberg, Piano.
** Pour en savoir plus…
Je ne saurais mieux parler de ce merveilleux CD que Jean-Marc Petit. Aussi je vous livre sa critique intégralement ci-dessous.
Je vous recommande d’acheter ce CD sublime du début à la fin (environ 22€), si ce n’est pour vous, pour l’offrir à des gens que vous aimez (Noël n’est que dans 6 mois…)!
Marcelle de Manziarly
Le 21 novembre 2024 par Jean-Marc Petit
Une valeureuse équipe d’instrumentistes suédois nous permet de découvrir la fascinante musique de chambre de la compositrice Marcelle de Manziarly (1899-1989), brillante élève de Nadia Boulanger. Une révélation.
Comment une telle musique a-t-elle pu dormir aussi longtemps dans la poussière des bibliothèques musicales ? Compositrice, cheffe d’orchestre, pianiste et pédagogue, Marcelle de Manziarly (1899-1989) a connu une certaine notoriété entre la Première et la Seconde Guerre mondiale, avant de partir au États-Unis et revenir en France une fois la paix revenue. Marcelle de Manziarly se partage ensuite entre les deux pays, et c’est aux États-Unis qu’elle meurt en 1989.
Cette brillante élève de Nadia Boulanger fait pourtant partie de cette cohorte de compositrices actives en France au début du XXe siècle et que l’on commence seulement à redécouvrir, notamment grâce au travail remarquable de labels comme La Boîte à pépites : Jeanne Leleu, Rita Strohl, ou bien sûr Lili Boulanger, etc.
Ce n’est pourtant pas un label français, mais suédois, Bis, qui propose, à notre connaissance, la première réalisation discographique consacrée à la musique de chambre de Marcelle de Manziarly. Et c’est un choc.
Car cette compositrice, dont les œuvres s’étalent sur plus de six décennies, propose un monde sonore divers et passionnant. Un univers sépare en effet la Sonate pour violon et piano de 1918 du Trilogue de 1977. Mais l’intensité de la musique de Marcelle de Manziarly y est intacte.
Les instrumentistes, la violoniste Cecilia Zilliacus, la violoncelliste Kati Raitinen, les pianistes Bengt Forsberg et Peter Friis Johansson s’y sont investis avec une totale passion. Et il y a de quoi.
Le disque s’ouvre ainsi sur un chef-d’œuvre, le Piano Trio de 1921. Marcelle de Manziarly est encore au début de sa carrière, mais sa personnalité est déjà bien affirmée. Le « Grave, rude, sans lenteur » qui ouvre l’œuvre avec force est ainsi une page toujours changeante, dans les rythmes comme dans les timbres. Les « sonneries » et « batteries » de cloches du piano peuvent rappeler Ravel. C’est bien tout un monde de mystères qui s’ouvre à nous et se poursuit tout au long de l’œuvre. Que ce soit dans la danse enjouée mais inquiète du Scherzo ou les discrètes dissonances du troisième mouvement « Sans trop de lenteur », avant l’implacable « Rude » final.
Un univers sonore tout autre apparaît avec le Dialogue pour violoncelle et piano de 1970, dépouillé et plus dissonant. Les instrumentistes se répondent tout d’abord à travers de courtes séquences minimalistes, presque l’univers statique d’un Morton Feldman, avant de s’animer peu à peu en une course poursuite haletante.
Retour à la modalité et aux chatoiement « début de siècle » avec la Sonate pour violon et piano de 1918. Une fois de plus Marcelle de Manziarly nous offre une musique lumineuse, parfois élégiaque, à la fois sereine et angoissée, sans aucune afféterie.
Le disque s’achève sur le mystérieux Trilogue pour violon, violoncelle et piano de 1977. Sous l’influence de son séjour aux États-Unis, Marcelle de Manziarly renoue avec la veine minimaliste et dissonante du Dialogue pour violoncelle et piano. Mais jamais la musique ne tombe dans l’artifice ou la sécheresse. Tout ici est vie, frémissement et subtilité.
Les instrumentistes suédois défendent ces pages fascinantes avec passion, équilibre et justesse. Quel orchestre osera maintenant ressusciter les œuvres symphoniques de Marcelle de Manziarly ?
Amour
Une petite plage où l’on ne rit pas
Où personne ne passe :
C’est l’amour.
L’ombre non plus n’y chasse
De bras en bras
Un autre jour.
Pas de fausses mésanges
Mais au loin
Une petite île
Comme une meule de foin,
Et sous l’aile d’un ange
Deux anges immobiles.

À l’envers de ma porte
Ma peur bleue, ma groseille,
L’amour est une abeille
Qui me mange le cœur
Et bourdonne à ma bouche
Que tu nourris et touches
Des baisers du malheur.
Mon ange sans oreilles,
Ma peur bleue, ma groseille,
Ne viendras-tu jamais
À l’envers de ma porte ?
Es-tu de cette sorte
Ange sourd et muet ?
Tes mains sans teint, polies
Au jeu de tes folies,
Se mouillent à mes yeux
Et tu ris de ces fleuves
Où naviguent mes vœux
Parmi tes robes neuves.
Ne me donneras-tu
Que ton chapeau pointu
À porter ma sorcière,
Et nul autre baiser
Que ces nids de danger
Et ces ruches entières ?
Ne me permets-tu pas
De t’enlever tes bas
À l’envers de ma porte ?
Je veux voir tes pieds nus
Et les abeilles mortes
Du bonheur revenu.
Mon ange sans oreilles,
Ma peur bleue, ma groseille
Posée sur mes désirs,
Ma chambre est grande ouverte
Que coupe l’allée verte
Par où tu dois venir.
Ma peur bleue, ma groseille,
Viens à fleur de mes veilles
Et que tombe le jour
À l’envers de ma porte.
Et que le vent emporte
Le chemin du retour
1939
*** Réponses aux devinettes :
Playlist 1 : 2 Poèmes en trio / 3 Fables de La Fontaine / 3 Impressions de mer / Piano Trio (4 mouvements) / Nocturne pour Violon et Piano / Dialogue pour Violoncelle et Piano.
Playlist 2 : Sonate pour Violon et Piano (3 mouvements) / Atmosphères slaves pour Piano / Sonate pour 2 pianos / Trilogue pour Violon, Violoncelle et piano (3 parties).