Écoute musicale n° 77 Rebecca Clarke
Écoute musicale n° 77 Rebecca Clarke

Écoute musicale n° 77 Rebecca Clarke

Rebecca Clarke (1886-1979)

Rebecca Clarke (1886-1979) est une compositrice et altiste britannique, l’une des pionnières parmi les femmes musiciennes professionnelles du XXᵉ siècle. Formée au Royal College of Music, elle mène une carrière d’interprète tout en écrivant une musique de chambre d’une grande intensité. Sa Sonata for Viola and Piano (1919) devient son œuvre emblématique, admirée pour sa richesse expressive et son style mêlant impressionnisme et lyrisme britannique.

Parmi la centaine d’œuvres qu’elle a composées figurent également des lieder raffinés, des pièces de musique de chambre et quelques œuvres orchestrales. Ses influences mêlent impressionnisme français, lyrisme britannique et une sensibilité personnelle très nuancée.

Malgré un succès initial, Clarke tombe dans l’oubli durant plusieurs décennies, contrainte un moment de travailler comme gouvernante aux États-Unis.

Aujourd’hui, elle est redécouverte comme une figure essentielle du répertoire pour alto et de la musique moderne.

Longtemps sous-estimée et partiellement oubliée, elle est aujourd’hui célébrée comme l’une des compositrices les plus importantes de sa génération, régulièrement jouée et enregistrée.

Sonate pour Alto et Piano (1919)

Antoine Tamestit, Alto – Ying-Chien Lin, Piano
00:00 – I. Impetuoso
07:20 – II. Vivace
11:09 – III. Adagio


Écoutes courtes

Compilation période 1912/1926
Shy One * (1912)

Catrin Woodruff, Soprano & Duncan Williams, Piano

Morpheus (1917)

Alyssa Bell Jackson, Alto – Bridget O’Leary, Piano

Poem for String Quartet – Adagio (1926)

Quatuor Sine Qua Non (2020)

Compilation période 1922/1941
The Cloths of Heaven * (1922)

Emily D’Angelo, Mezzo-Soprano · Sophia Muñoz, Piano

Passacaglia on an Old English Tune (1941)

Amber Archibald, viola & Jamie Namkung, piano

Dumka – Duo Concertant pour Violon et Alto (1941)

Elisabeth Small, Violon – Eric Koontz, Alto – Bair Shagdaron, Piano


Œuvres pour chœur a cappella

Voici une compilation présentant cinq pièces a cappella.

Philomela * (1914)

L’ensemble Ahjo – Dirigée par Julia Lainema (2022).

Music, When Soft Voices Die

The Sonare vocal quartet. (2024)

There Is No Rose, pour chœur d’hommes a cappella

Chapel Choir of the Royal Hospital Chelsea

Ave Maria, pour chœur de femmes a cappella

Chapel Choir of the Royal Hospital Chelsea

Psalm 91 : He That Dwelleth in the Secret Place of the Most

L’ensemble vocal professionnel Sirventes Berlin – Stefan Schuck, direction. (2025)


Écoutes longues… détaillées en brèves

La voix

Le sens mélodique et la sensibilité de Rebecca Clarke sont doublés d’un sens de l’harmonie subtil qui contribue à mettre en scène chaque texte comme dans les lieder de Schubert, n’hésitant pas à troquer le piano pour un violon solo accompagnateur.
Vous trouverez chaque pièce séparément sous la compilation proposée.

1. The Seal Man * (1922)

Emily D’Angelo, Soprano & Sophia Muñoz, Piano

2. Tears

Natasha Page, Soprano & Ella O’Neill, Piano.

3. It was a Lover and his Lass (1912)

Heather Gallagher, Mezzo-Soprano & Julia Connor, Violon (Boston, 2022)

4. The Cherry-Blossom Wand (1929)

Kristine Nowlain, Soprano & Annika Bjelk, Piano

5. I Know Where I’m Going
Extrait de Three Irish Country Songs (1925)

Patricia Wright, Soprano & Jonathan Rees, Violon

6. Binnorie *

Kitty Whately, Mezzo-Soprano & Simon Lepper, Piano

7. Lethe (1930)

Patricia Wright, Soprano & Kathron Sturrock, Piano (2000)

8. Come, O Come, My Life’s Delight (1921)

Patricia Wright, Soprano & Kathron Sturrock, Piano (2000)

9. A dream *

Dorota Szczepańska, Soprano &Maria Yulin, Piano


La voix et l’alto

Je vous propose une autre compilation dans laquelle la voix et l’alto dialoguent, parfois directement, parfois en miroir via des œuvres instrumentales qui prolongent l’univers vocal. Vous trouverez chaque pièce séparément au-dessous.

1. Shy One * (Voix + Piano, 1912)

Catrin Woodruff, Soprano & Duncan Williams, Piano

2. Morpheus (Alto + Piano, 1917)

Alyssa Bell Jackson, Alto & Bridget O’Leary, Piano

3. The Cloths of Heaven * (Voix + Piano, 1912)

Emily D’Angelo , Mezzo-Soprano & Sophia Muñoz, Piano

4. Sonate pour Alto et Piano, 2ᵉ mvt — Vivace (1919)

Tabea Zimmermann, Alto & Kirill Gerstein, Piano (2010)

5. Down by the Salley Gardens (Voix + Piano, 1919)

Patricia Wright, Soprano & Kathron Sturrock, Piano (2000)

6. Prélude, Allegro et Pastorale (Clarinette + Alto, 1941)

Nikita Vaganov, Clarinette & Olga Vaganova, Alto (Moscou 2025)

7. Tiger, Tiger * (Voix + Piano, 1927)

Poème de William Blake
Anna Herbst, Soprano & Dorothy Gemmeke, Piano

8. Passacaglia on an Old English Tune (Alto + Piano, 1941)

Amber Archibald & Jamie Namkung

9. June Twilight (Voix + Piano, 1924)

Patricia Wright, Soprano & Kathron Sturrock, Piano

10. Midsummer Moon (Violon + Piano, 1926)

Alexi Kenney, violon & Anna Polonsky, piano (Philadelphie 2021)


La musique de chambre instrumentale

Grotesque, pour Alto et Violoncelle

Duo Chordata : Cindy Folly, Alto & Larissa Mattos, Violoncelle. Belo Horizonte/Brasil – 2016

Combined Carols, pour quatuor à cordes

Pour illustrer ses talents d’harmonisatrice…
Quatuor Modigliani : Amaury Coeytaux & Loic Rio, violons – Laurent Marfaing, alto – François Kieffer, violoncelle

Comodo et amabile, pour Quatuor à cordes

Julstrom String Quartet (2007)

Piano Trio (1921)

00:00 I. Moderato ma appassionato 10:05 II. Andante molto semplice 16:07 III. Allegro vigoroso
Lincoln Trio : Marta Aznavoorian, Piano – Desirée Ruhstrat, Violon – David Cunliffe, Violoncelle


* Pour en savoir plus…

The Cloths of Heaven — 1912

Had I the heavens’ embroidered cloths,
Enwrought with golden and silver light,
The blue and the dim and the dark cloths
Of night and light and the half-light,
I would spread the cloths under your feet:
But I, being poor, have only my dreams;
I have spread my dreams under your feet;
Tread softly because you tread on my dreams.

Si j’avais les tissus brodés des cieux,
Tissés de lumière dorée et argentée,
Les tissus bleus, sombres et obscurs
De la nuit, de la lumière et de la pénombre,
Je les étendrais sous tes pieds :
Mais moi, pauvre, je n’ai que mes rêves ;
J’ai étendu mes rêves sous tes pieds ;
Marche doucement, car tu marches sur mes rêves.


Shy One — 1912

Adaptation d’un poème de William Butler Yeats. On pense que Yeats aurait écrit ce poème après avoir observé des prêtresses païennes accomplir leurs rituels. L’utilisation par Clarke de mesures complexes et de mélodies pentatoniques donne vie à cette histoire mystique !

Shy one, shy one,
Shy one of my heart,
She moves in the firelight
Pensively apart.

She carries in the dishes
And lays them in a row.
To an isle in the water
With her would I go.

She carries in the candles,
And lights the curtained room,
Shy in the doorway
And shy in the gloom;

And shy as a rabbit,
Helpful and shy.
To an isle in the water
With her would I fly.

Timide, timide,
Timide de mon cœur,
Elle se déplace à la lueur du feu,
Pensivement à l’écart.

Elle apporte les plats
Et les dispose en rang.
Sur une île au milieu de l’eau,
Avec elle, je voudrais aller.

Elle apporte les bougies,
Et éclaire la pièce aux rideaux tirés,
Timide dans l’embrasure de la porte,
Et timide dans la pénombre ;

Et timide comme un lapin,
Serviable et timide.
Sur une île au milieu de l’eau,
Avec elle, je voudrais m’envoler.


A dream

I dreamed that one had died in a strange place
Near no accustomed hand
And they had nailed the boards above her face
The peasants of that land
And, wond’ring, planted by her solitude
A cypress and a yewl came,
And wrote upon a cross of wood
Man had no more to do
« She was more beautiful than thy first love
This lady by the trees. »
And gazed upon the mournful stars above
And heard the mournful breeze

J’ai rêvé qu’une personne était morte dans un endroit étrange
Loin de toute main familière
Et qu’ils avaient cloué des planches sur son visage
Les paysans de cette contrée
Et, émerveillés, plantés près de sa solitude
Un cyprès et un if sont venus,
Et ont écrit sur une croix de bois
L’homme n’avait plus rien à faire
« Elle était plus belle que ton premier amour
Cette dame près des arbres. »
Et contemplait les étoiles tristes au-dessus
Et entendait la brise triste


Tiger, Tiger — 1927

Tyger Tyger, burning bright,
In the forests of the night;
What immortal hand or eye,
Could frame thy fearful symmetry?

In what distant deeps or skies
Burnt the fire of thine eyes?
On what wings dare he aspire?
What the hand, dare sieze the fire?

And what shoulder, & what art,
Could twist the sinews of thy heart?
And when thy heart began to beat,
What dread hand? & what dread feet?

What the hammer? What the chain,
In what furnace was thy brain?
What the anvil? what dread grasp,
Dare its deadly terrors clasp!

When the stars threw down their spears
And water’d heaven with their tears:
Did he smile his work to see?
Did he who made the Lamb make thee?

Tyger Tyger burning bright,
In the forests of the night:
What immortal hand or eye,
Dare frame thy fearful symmetry?

Tigre, tigre, brûlant de mille feux,
Dans les forêts de la nuit ;
Quelle main ou quel œil immortel
A pu façonner ta redoutable symétrie ?

Dans quelles profondeurs ou quels cieux lointains
A brûlé le feu de tes yeux ?
Sur quelles ailes a-t-il osé s’élever ?
Quelle main a osé saisir le feu ?

Et quelle épaule, et quel art,
Ont pu tordre les tendons de ton cœur ?
Et quand ton cœur a commencé à battre,
Quelle main redoutable ? Et quels pieds redoutables ?

Quel marteau ? Quelle chaîne,
Dans quel fourneau ton cerveau a-t-il été forgé ?
Quelle enclume ? Quelle poigne redoutable,
Ose saisir ses terreurs mortelles !

Quand les étoiles ont jeté leurs lances
Et arrosé le ciel de leurs larmes :
A-t-il souri en voyant son œuvre ?
Celui qui a créé l’Agneau t’a-t-il créé ?

Tigre, tigre, brûlant de mille feux,
Dans les forêts de la nuit :
Quelle main ou quel œil immortel,
Ose façonner ta redoutable symétrie ?


The Seal Man — 1922

Inspiré d’un conte écossais.

The Seal Man, text by John Masefield, extracted from « A Main Sail Haul. » (this phrase from the story is printed in the music, but not set: « Them that live in the water, they have ways of calling people. »)

And he came by her cabin to the west of the road, calling. There was a strong love came up in her at that, and she put down her sewing on the table, and ‘Mother,’ she says, ‘there’s no lock, and no key, and no bolt, and no door. There’s no iron, nor no stone, nor anything at all will keep me this night from the man I love.’ And she went out into the moonlight to him, there by the bush where the flowers is pretty, beyond the river. And he says to her: ‘You are all of the beauty of the world, will you come where I go, over the waves of the sea?’ And she says to him: ‘My treasure and my strength,’ she says, ‘I would follow you on the frozen hills, my feet bleeding.’ Then they went down into the sea together, and the moon made a track upon the sea, and they walked down it; it was like a flame before them. There was no fear at all on her; only a great love like the love of the Old Ones, that was stronger than the touch of the fool. She had a little white throat, and little cheeks like flowers, and she went down into the sea with her man, who wasn’t a man at all. She was drowned, of course. It’s like he never thought that she wouldn’t bear the sea like himself. She was drowned, drowned.

The Seal Man, texte de John Masefield, extrait de « A Main Sail Haul ». (Cette phrase tirée de l’histoire est imprimée dans la partition, mais n’est pas mise en musique : « Ceux qui vivent dans l’eau ont leur façon d’appeler les gens. »)

Et il vint près de sa cabane, à l’ouest de la route, en l’appelant. Un amour intense s’éveilla alors en elle, et elle posa sa couture sur la table et dit : « Mère, il n’y a ni serrure, ni clé, ni verrou, ni porte. Il n’y a ni fer, ni pierre, ni quoi que ce soit qui puisse m’empêcher cette nuit de rejoindre l’homme que j’aime. » Et elle sortit au clair de lune pour le rejoindre, là-bas, près du buisson où les fleurs sont jolies, au-delà de la rivière. Et il lui dit : « Tu es toute la beauté du monde, viendras-tu là où je vais, au-delà des vagues de la mer ? » Et elle lui répondit : « Mon trésor et ma force, dit-elle, je te suivrais sur les collines gelées, même si mes pieds saignaient. »
Puis ils descendirent ensemble dans la mer, et la lune traça une piste sur la mer, et ils la suivirent ; c’était comme une flamme devant eux. Elle n’éprouvait aucune crainte, seulement un grand amour, comme celui des Anciens, plus fort que le toucher de l’imbécile. Elle avait une petite gorge blanche et de petites joues comme des fleurs, et elle s’enfonça dans la mer avec son homme, qui n’était pas un homme du tout. Elle se noya, bien sûr. C’est comme s’il n’avait jamais pensé qu’elle ne supporterait pas la mer comme lui. Elle se noya, se noya.


Binnorie

Inspiré d’une ballade écossaise effrayante, « Binnorie » raconte l’histoire tragique de deux sœurs et d’un destin obsédant au bord de l’eau. La mise en scène de Rebecca Clarke capture l’intensité émotionnelle du récit avec une beauté lyrique et une puissance sombre, un mélange parfait entre narration, mélodie et atmosphère.

Voici la légende qui inspira le texte de Rebecca Clarke…

Il était une fois deux filles de roi qui vivaient dans une tonnelle près des jolis barrages de Binnorie. Sir William vint courtiser l’aînée et gagna son amour, et lui fit la promesse de l’épouser avec un gant et une bague. Mais après quelque temps, il posa les yeux sur la cadette, avec ses joues roses et ses cheveux dorés, et son amour se porta sur elle jusqu’à ce qu’il ne se soucie plus de l’aînée. Elle en vint à détester sa sœur pour lui avoir volé l’amour de Sir William, et jour après jour, sa haine grandissait et elle complotait et planifiait comment se débarrasser d’elle.

Un beau matin, clair et ensoleillé, elle dit à sa sœur :
« Allons voir les bateaux de notre père arriver au joli moulin de Binnorie. »
Elles s’y rendirent donc main dans la main. Et lorsqu’elles arrivèrent au bord de la rivière, la plus jeune monta sur une pierre pour regarder les bateaux accoster. Sa sœur, qui la suivait, l’attrapa par la taille et la jeta dans le torrent impétueux de Binnorie.
« Oh, ma sœur, ma sœur, tends-moi la main ! » cria-t-elle en s’éloignant, « et tu auras la moitié de tout ce que j’ai ou que j’aurai.
Non, ma sœur, je ne te tendrai pas la main, car je suis l’héritière de toutes tes terres. Honte à moi si je touche la main qui s’est interposée entre moi et l’amour de mon cœur.
Oh, ma sœur, oh, ma sœur, alors tends-moi ton gant ! » cria-t-elle en s’éloignant, « et tu retrouveras ton William. »
Coule », cria la cruelle princesse, « tu ne toucheras ni ma main ni mon gant. Le doux William sera tout à moi quand tu auras coulé sous le joli ruisseau du moulin de Binnorie. » Et elle se retourna et rentra chez elle, au château du roi.

Et la princesse dériva sur le ruisseau du moulin, tantôt nageant, tantôt coulant, jusqu’à ce qu’elle arrive près du moulin. Ce jour-là, la fille du meunier faisait la cuisine et avait besoin d’eau. Alors qu’elle allait en puiser dans le ruisseau, elle vit quelque chose flotter vers le barrage du moulin et elle cria : « Père ! Père ! Fermez le barrage. Il y a quelque chose de blanc, une sirène ou un cygne blanc comme le lait, qui descend le ruisseau. » Le meunier se précipita donc vers le barrage et arrêta les lourdes et cruelles roues du moulin. Puis ils sortirent la princesse de l’eau et la déposèrent sur la berge.

Elle était belle et gracieuse, allongée là. Ses cheveux dorés étaient parsemés de perles et de pierres précieuses ; on ne voyait pas sa taille à cause de sa ceinture dorée, et la frange dorée de sa robe blanche tombait sur ses pieds blancs comme des lys. Mais elle était noyée, noyée !

Alors qu’elle gisait là, dans toute sa beauté, un célèbre harpiste passa près du barrage du moulin de Binnorie et vit son doux visage pâle. Bien qu’il poursuivit son chemin loin de là, il n’oublia jamais ce visage, et après plusieurs jours, il revint au joli ruisseau du moulin de Binnorie. Mais tout ce qu’il trouva de son corps là où on l’avait déposée, ce n’étaient que ses os et ses cheveux dorés. Il fabriqua donc une harpe avec son sternum et ses cheveux, et gravit la colline depuis le barrage du moulin de Binnorie jusqu’à ce qu’il arrive au château du roi, son père.

Cette nuit-là, ils étaient tous réunis dans la salle du château pour écouter le grand harpiste : le roi et la reine, leur fille et leur fils, Sir William et toute leur cour. Le harpiste commença par chanter avec sa vieille harpe, les rendant joyeux et heureux, ou tristes et en larmes, selon son bon vouloir. Mais pendant qu’il chantait, il posa la harpe qu’il avait fabriquée ce jour-là sur une pierre dans la salle. Et bientôt, elle se mit à chanter d’elle-même, d’une voix grave et claire, et le harpiste s’arrêta et tous se turent.

Et voici ce que chantait la harpe :

« Là-bas est assis mon père, le roi,
Binnorie, ô Binnorie ;
Et là-bas est assise ma mère, la reine ;
Près des jolis moulins de Binnorie.
Et là-bas se tient mon frère Hugh,
Binnorie, ô Binnone ;
Et près de lui mon William, faux et vrai ;
Près des jolis moulins de Binnorie. »

Alors tous s’étonnèrent, et le harpiste leur raconta comment il avait vu la princesse gisant noyée sur la rive près des beaux moulins de Binnorie, et comment il avait ensuite fabriqué sa harpe à partir de ses cheveux et de son sternum. À ce moment-là, la harpe se remit à chanter, et voici ce qu’elle chanta haut et fort :

« Et là est assise ma sœur qui m’a noyée
Près des beaux barrages de Binnorie. »

Et la harpe se brisa et ne chanta plus jamais.


Philomela (1914)

Extrait du blog de Julia Lainema (traduit du finnois) : « Philomela de Rebecca Clarke présente de nombreuses caractéristiques typiques du style compositionnel de Clarke, telles que le chromatisme et les progressions harmoniques qui évoluent de manière organique. La suite chorale en quatre parties résonne de manière riche et expressive. Les triolets se balancent sur un rythme régulier, ajoutant de la vivacité à la texture. Clarke a su capturer la douleur et la détresse décrites dans ses mélodies. La pièce est émouvante et suscite la réflexion, elle est pleine de contenu émotionnel ».

The nightingale, as soon as April bringeth
Unto her rested sense a perfect waking,
While late bare earth, proud of new clothing, springeth,
Sings out her woes, a thorn her song-book making,

And mournfully bewailing,
Her throat in tunes expresseth
What grief her breast oppresseth
For Tereus’ force on her chaste will prevailing.

O Philomela fair, O take some gladness,
That here is juster cause of plaintful sadness:
Thine earth now springs, mine fadeth;
Thy thorn without, my thorn my heart invadeth.

Alas, she hath no other cause of anguish
But Tereus’ love, on her by strong hand wroken,
Wherein she suffering, all her spirits languish;
Full womanlike complains her will was broken.

But I, who daily craving,
Cannot have to content me,
Have more cause to lament me,
Since wanting is more woe than too much having.

O Philomela fair, O take some gladness,
That here is juster cause of plaintful sadness:
Thine earth now springs, mine fadeth;
Thy thorn without, my thorn my heart invadeth.

Texte de Sir Philip Sidney (1554-1586)

Le rossignol, dès qu’avril apporte
À ses sens reposés un réveil parfait,
Tandis que la terre nue, fière de ses nouveaux atours, renaît,
Chante ses malheurs, faisant de ses épines son livre de chants,

Et se lamentant tristement,
Sa gorge exprime en mélodies
La douleur qui oppresse sa poitrine
Pour la force de Tereus qui l’emporte sur sa volonté chaste.

Ô belle Philomèle, ô, prends un peu de joie,
Car voici une cause plus juste de tristesse plaintive :
Ta terre renaît, la mienne se fane ;
Ton épine est à l’extérieur, la mienne envahit mon cœur.

Hélas, elle n’a pas d’autre cause d’angoisse
Que l’amour de Tereus, qui s’est abattu sur elle de sa main forte, Et dans lequel elle souffre, tout son esprit languit ;
Comme toute femme, elle se plaint que sa volonté a été brisée.

Mais moi, qui chaque jour,
Ne peux avoir de quoi me satisfaire,
J’ai plus de raisons de me lamenter,
Car le manque est plus douloureux que l’excès.

Ô belle Philomèle, ô, prends un peu de joie,
Car voici une cause plus juste de tristesse plaintive :
Ta terre maintenant fleurit, la mienne se fane ;
Ton épine est à l’extérieur, la mienne envahit mon cœur.

Texte de Sir Philip Sidney (1554-1586)


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