Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525-1594)
Giovanni Pierluigi da Palestrina a principalement composé de la musique religieuse et vocale. Jugez plutôt : plus de 100 messes, 2 Stabat Mater dont un à 8 voix (double chœur) et l’autre à 12 voix, près de 250 motets (à 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 voix) dont 29 sur le Cantique des cantiques, plus de 140 madrigaux profanes et spirituels, ainsi que de nombreuses autres œuvres religieuses. Palestrina a écrit en tout près de 650 œuvres.
Il est célèbre pour la perfection de sa maîtrise du contrepoint par lequel les lignes mélodiques se complètent avec fluidité. Pour illustrer sa manière, je vous propose en premier lieu un madrigal à 3 voix égales dans deux interprétations différentes : l’une vocale, l’autre instrumentale.
Ahi, che quest’occhi miei ch’erano lieti
Par l’ensemble Alla Francesca : Brigitte Lesne · Vivabiancaluna Biffi · Christel Boiron
Elles ont choisit de jouer avec la répartition des voix pour renouveler l’intérêt de chaque strophe.
Version instrumentale, aux Lutes, avec « diminutions » (voir plus bas) par le Quartetto di Liuti da Milano :
Emilio Bezzi, Renato Cadel, Stefano Guarnaschelli, Elisa La Marca liuti rinascimentali
Voici maintenant un madrigal à 5 voix dans trois interprétations différentes, dont une nettement plus rapide. puis à partir de la mélodie principale et sa base harmonique, quelques variations instrumentales au trombone, accompagnant le chant, puis au cornet et enfin au violon, parmi de très nombreux enregistrements et adaptations.
Io son ferito, ahi lasso
Par l’Ensemble d’Allegrezza / Direction : Nanneke Schaap (2020)
Par le Pluto-Ensemble / Direction : Marnix De Cat (2022)
Par La Compagnia del Madrigale ℗ Musique en Wallonie (2024)
La diminution
La diminution dans la musique de la Renaissance est une technique ornementale qui consiste à diviser une note longue en plusieurs notes plus courtes, ajoutant ainsi de la complexité et de l’expressivité à une mélodie. Cette pratique était courante dans les styles vocaux et instrumentaux et permettait d’embellir une ligne musicale tout en respectant la structure harmonique et rythmique de la pièce.
Exemple : Si une note longue d’une mesure est écrite comme une blanche, la diminution pourrait transformer cette blanche en plusieurs croches ou doubles croches jouées dans le même laps de temps.
Rôle artistique : La diminution reflétait l’esthétique de la Renaissance, qui valorisait l’équilibre entre complexité et structure. Elle permettait aux musiciens d’exprimer leur virtuosité et de personnaliser leur interprétation tout en respectant le cadre stylistique et harmonique établi.
Ci-dessous quelques exemples de diminutions à partir de ce madrigal.
L’ensemble Sackbut Frenzy présente une version avec une improvisation au trombone sur la ligne du Canto sur la base des divisions écrites de Giovanni Bassano 1(558-1617)
Guy James, contre-ténor – Emily White, trombone – Peter McCarthy, violon – Robin Bigwood, virginal
Versions instrumentales
Par Bruce Dickey, Cornet et Stephen Stubbs – Erin Headley – Andrew Lawrence-King
Par The Rare Fruits Council · Manfredo Kraemer · Giovanni Battista Bovicelli
Stabat Mater (1590)
Pour double chœur, à 8 voix.
Par l’Ars Nova Copenhagen sous la direction de Paul Hillier (2014)
Le même Stabat Mater dirigé en 1963 par Sir David Willcocks et The Choir Of King’s College, Cambridge, presque deux fois plus long ! Autres temps, autres tempi !!!
Missa Papae Marcelli (1562)
Missa Papae Marcelli – Benedictus
Ce Benedictus commence par un duo en contrepoint parfait entre Soprano et Ténor puis entrées de la Basse et de l’Alto en imitation : une pureté de lignes incroyable… Le chœur à 4 voix s’étoffe à 6 voix en dédoublant les Ténors et les Basses au moment de Hosanna. Cette fluidité et ces chevauchements n’empêchent pas la compréhension du texte, souvent mise à mal dans la période précédente.
Par The Tallis Scholars
Soprano : Jane Armstrong, Alison Gough, Stephanie Sale, Judy Stell.
Contre-ténor : Matthew Bright, Paul Bropy, Joe Cooke, David Cordier.
Ténor : Joseph Cornwell, Andrew King, Rufus Müller.
Basse : Colin Mason, Francis Steele, Julian Walker, Jeremy White.
Peter Phillips, Direction.
MISSA PAPAE MARCELLI : intégrale par les mêmes interprètes.
[00,01→] Kyrie [04,44→] Gloria [11,00→] Credo [20,54→] Sanctus et Benedictus [28,33→] Agnus Dei 1 et 2
Vestiva i colli
Par l’ensemble Vox Luminis / Direction : Lionel Meunier (2020)
Sicut Cervus
Par les Sœurs de St. Thomas Aquinas de Brooksville / Floride (USA)
Psalm 42:1 Sicut cervus desiderat ad fontes aquarum, ita desiderat anima mea ad te, Deus. As the hart panteth after the water brooks, so panteth my soul after thee, O God
Chez Giovanni Pierluigi da Palestrina, compositeur clé de la Renaissance, le motet et le madrigal sont deux formes vocales importantes, mais elles se distinguent principalement par leur fonction, leur texte et leur style.
1. Le Motet
• Texte : Le motet est une composition sur un texte sacré, souvent en latin, tiré de la Bible ou de textes liturgiques. Il est conçu pour une utilisation religieuse ou spirituelle.
• Usage : Les motets de Palestrina étaient généralement destinés à être chantés dans un cadre liturgique ou religieux, comme les offices ou la messe.
• Style : Ils mettent en avant un contrepoint polyphonique strict et une clarté textuelle exemplaire, conformément aux recommandations du Concile de Trente. Palestrina excellait dans l’équilibre des voix et l’expression spirituelle, donnant aux motets une ambiance de recueillement et d’élévation.
• Exemple célèbre : Sicut Cervus, un motet basé sur le Psaume 42, illustre l’élégance et la pureté polyphonique caractéristiques de son style.
2. Le Madrigal
• Texte : Le madrigal est une œuvre profane sur un texte poétique, souvent en italien, mettant en valeur des thèmes comme l’amour, la nature ou des sentiments humains. Ces textes étaient parfois tirés des poèmes de Petrarque ou d’autres poètes de la Renaissance.
• Usage : Le madrigal était destiné à un usage non liturgique, souvent pour des performances dans les cercles aristocratiques ou les salons.
• Style : Dans ses madrigaux, Palestrina montre plus de liberté expressive que dans ses motets. Ces pièces utilisent des techniques comme le chromatisme, les contrastes rythmiques et des passages homophoniques pour accentuer le texte et les émotions qu’il véhicule.
• Exemple célèbre : Le madrigal Vestiva i colli illustre la sensibilité et l’habileté de Palestrina à adapter la musique au texte, capturant les nuances émotionnelles.
Résumé des différences :
Aspect Motet Madrigal
Texte Sacré, en latin Profane, en italien
Fonction Liturgique ou spirituelle Récréative ou artistique
Style musical Contrepoint polyphonique strict Plus expressif, parfois chromatique
Exemple Sicut Cervus Vestiva i colli
Bien que Palestrina soit surtout célèbre pour ses œuvres sacrées, ses madrigaux montrent une autre facette de son génie, où il marie poésie et musique avec une subtilité remarquable.