Poursuivant mon tour d’horizon de la musique au XIV° s., j’ai longuement cherché des compositeurs en Espagne, et n’ai trouvé que Le Llivre Vermeil de Montserrat daté de 1399. C’est déjà beaucoup car ce livre est un trésor de la musique ancienne !
Le Llivre Vermeil de Montserrat
Écrit à la fin du XIV°s., le Llivre Vermeil de Montserrat rassemble des compositions anonymes des décennies précédentes.
Le manuscrit a été réalisé à l’abbaye de Montserrat (photo en tête d’article), en Catalogne, où il se trouve toujours aujourd’hui.
Dès lors, il est contemporain de l’Ars Nova français (écoute musicale n°47) et du Trecento italien (écoute musicale n°48), mais avec des auteurs restés anonymes.
Si vous ne deviez écouter que deux extraits de ce précieux recueil, voici ma sélection :
– Stella splendens in monte par l’ensemble Capella de Ministrers
– Mariam, Matrem par La Capella Reial de Catalunya Hespèrion XXI – Jordi Savall (incontournable !)
Je vous propose différentes versions de ces deux œuvres avec des interprétations variées intéressantes à comparer, puis pour terminer, l’enregistrement intégral du CD que Jordi Savall a consacré au Llibre Vermell de Montserrat.
Stella splendens in monte
Cette pièce est l’une des plus célèbre du Livre Vermeil de Monserrat et enregistrée de très nombreuses fois.
La comparaison des enregistrements permet de mesurer l’ampleur des difficultés des choix d’interprétation, d’autant plus que les instruments ne sont pas mentionnés dans le manuscrit, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’y en avait pas, comme l’atteste l’abondante iconographie picturale et sculpturale. Dès lors, comment jouer ?
A l’aube de la polyphonie, vous constaterez que les choix les plus fréquents mettent les instruments en doublure de la voix, et presque toujours sur un bourdon soit de « Tonique », soit de Quinte, parfois décalée un ton plus bas suivant la mélodie.
Je ne sais pas sur quoi s’appuient les percussionnistes pour accompagner les pièces de cette époque. Il existe des traités assez précis pour la dimension mélodique, polyphonique et aussi rythmique (voir la complexité de l’Isorythmie de l’Ars Nova).
Certains ensembles s’appuient clairement sur les traditions de danses populaires ou folkloriques, comme le Oni Wytars Ensemble.
Ces difficultés de choix d’interprétation se révèlent aussi dans le choix des tempi, des introductions, des interludes entre les strophes, des improvisations.
Le point commun à toutes ces interprétation est sans aucun doute le désir de restituer une musique vivante, voire fervente.
Pour le texte complet et sa traduction, voyez l’article de Wikipédia, très complet : Llivre Vermell de Montserrat
- Par l’ensemble Vox vulgaris, version instrumentale avec de longues introductions improvisées
- Par l’Ensemble Micrologus
- Par l’ensemble New London Consort · Philip Pickett (enregistrement de 1992)
- Par l’ensemble Datura Medieval Music, version lente avec soliste et petit chœur (enregistrement de 2012). A 4’20, intéressante improvisation à l’orgue positif sur le thème, avec des Quintes parallèles, mais aussi des Sixtes, plus surprenantes, surtout pour finir !
- Par l’ensemble Capella de Ministrers, version vocale avec petit chœur d’hommes à 1 ou 2 voix, et solistes homme et femme, accompagnés par un ensemble instrumental qui s’étoffe peu à peu.
- Par le Oni Wytars Ensemble extrait d’un CD de 2006 (Naxos) « Byzantium To Andalusia » qui fait le lien entre les musiques de la Méditerranée et l’influence de la musique arabe en Espagne médiévale. Ils donnent une place importante à la percussion, non écrite ni même citée dans le manuscrit de Montserrat, et une manière de chanter arabisante assez loin des interprétations les plus répandues s’inspirant davantage du chant grégorien latin.
- Par l’ensemble Hespèrion XXI de Jordi Savall
Il est intéressant d’entendre les choix de réalisation de cette polyphonie à 2 voix. Plusieurs solutions s’alternent pour en renouveler l’attrait : la mélodie principale (1ère voix) chantée, la 2ème étant jouée par un ou plusieurs instruments ; la 1ère voix doublée voire triplée à l’octave dans le grave et/ou dans l’aigu ; les 2 voix chantées ; etc…
Mariam, Matrem – Virolai
Version vocale par l’Ensemble Micrologus
Version instrumentale et vocale par Capella de Ministrers · Carles Magraner ·
Le choix de ces interprètes est de rester modal sans note sensible.
Notez que seule la voix supérieure est chantée, les 2 autres voix étant réalisées par les instruments, après une introduction par une improvisation à la harpe qui double ensuite la voix.
Version instrumentale et vocale par La Capella Reial de Catalunya Hespèrion XXI – Jordi Savall
CD : El Llibre Vermell de Montserrat A L’Església de Santa Maria del Pi Concert enregistré le 25 novembre 2013 par La Capella Reial de Catalunya Hespèrion XXI Jordi Savall
- O Virgo splendens hic in monte celso
- Stella splendens in monte
- Laudemus Virginem Mater est
- Los set goyts recomptarem
- Splendens ceptigera
- Polorum regina omnium nostra
- Cuncti simus concanentes : Ave Maria
- Mariam Matrem Virginem
- Imperayritz de la ciutat joyosa
- Ad mortem festinamus
- O Virgo splendens hic in monte celso.