L’humour en question
Je propose ici mon témoignage à propos de l’humour comme vecteur pédagogique.
Il n’a aucune prétention philosophique.
Il reflète une des questions que je me suis posées tout au long de ma carrière : est-ce que je ne fais pas trop le clown dans mes cours ?
On a souvent relevé mon humour comme une qualité de ma pratique pédagogique, tant avec les enfants qu’avec les adultes.
C’est bien sûr un des traits de mon caractère, et aussi un point commun à ma famille : fratrie, enfants, neveux et nièces…
Depuis toujours, la joie est mon moteur pédagogique. Car elle est liée à l’adhésion des personnes concernées et exprime leur plaisir de participer au cours. Willems en faisait aussi un élément central de la motivation des élèves et des professeurs.
Mais la joie n’est pas toujours liée au comique, heureusement !
Elle peut aussi venir de la satisfaction d’une action réussie, d’un travail bien fait, et plus encore quand une difficulté a été surmontée, c’est-à-dire lorsqu’on est allé un peu au-delà de nous-même en nous « dépassant », et donc en grandissant.
Cette joie-là est plus profonde et plus durable, et demande un peu de temps pour éclore.
Le comique est joyeux s’il est bien conduit, et déclenche souvent le rire ou au moins le sourire, créant généralement une connivence avec son auteur et une forme d’adhésion au propos ou à la situation (c’est pourquoi il peut être malsain).
Il est donc tentant pour le pédagogue d’utiliser le comique et le rire pour gagner la confiance de ses élèves et faciliter des apprentissages moins joyeux. Une manière de faire avaler une mauvaise potion, en quelque sorte.
Le risque pour le professeur est de faire le clown de plus en plus souvent (surtout quand ça marche) et de faire écran au plaisir et à la joie issues du dépassement de soi évoqué précédemment.
Le rire a toujours été pour moi un carburant, surtout celui des enfants, simple et direct, qui témoigne d’un abandon incroyable (ce qui augmente d’autant notre responsabilité à ne pas en abuser).
Quand je ne me sentais pas bien, ou en petite forme, j’ai souvent fait rire les enfants pour me recharger.
Mais j’ai toujours veillé à trois choses :
- Que la source du comique soit musicale ;
- Qu’elle soit de courte durée ;
- Qu’elle ne soit jamais associée à une quelconque moquerie (et encore moins au sarcasme).
Ce dernier point n’est pas toujours facile, car je suis très sensible au comique de situation et j’ai pu donner à pensé que j’étais moqueur, ce que je ne suis pas..
Il est fréquent que quelqu’un fasse quelque chose qui fait rire, sans pour autant qu’on rit de la personne qui a fait l’action.
Si ce n’est pas clair pour la personne, il faut l’expliquer, et un moyen simple est de reproduire soi-même la situation, ce qui peut s’apparenter au comique de répétition. Et si le doute est possible, il vaut mieux s’abstenir pour éviter tout malentendu.
Enfin, j’ai évité de refaire les mêmes gags. D’abord parce que je déteste me répéter, ensuite pour éviter de monter des numéros de clown (ce n’est pas mon métier !). Pourtant les enfants adorent qu’on répète un gag qui les fait rire !
J’ai quelques tours dans mon sac que je ressors quand-même à l’occasion, notamment quand un enfant arrive en pleurant (voire en hurlant) à la leçon en s’accrochant aux bras de sa mère… Il est alors précieux de savoir détourner son attention !
Une des qualités requise pour un pédagogue est le sens de l’observation.
Ce sens se développe avec le temps et la pratique. L’observation amène à voir davantage de choses et de situations potentiellement cocasses. D’une certaine manière, je pense que ma sensibilité et mon humour se sont développé grâce à Willems. Car la pratique de sa proposition pédagogique, ancrée dans le présent et le factuel est basée sur la réceptivité sensorielle dénuée de tout jugement a priori. C’est en qui en fait l’universalité, tout comme la joie de vivre !