Écoute musicale n°75 Francesca Caccini
Écoute musicale n°75 Francesca Caccini

Écoute musicale n°75 Francesca Caccini

Francesca Caccini (1587-1641)

« La vie me quitterait avant le désir d’étudier
et la passion que j’ai toujours vouée à la vertu,
car celle-ci vaut plus que n’importe quel trésor ou renommée. »
La Cecchina
dans une lettre à son librettiste Michelangelo Buonarroti le Jeune

Francesca Caccini était sans aucun doute une femme exceptionnelle. Non seulement elle était une ‘diva’ du monde baroque à la voix ‘de rossignol’, mais elle était également luthiste, poétesse et la première femme à avoir composé un opéra complet « La liberazione di Ruggiero« . Elle s’est fait connaître à l’âge de treize ans seulement, lorsqu’elle a interprété des scènes de l’Euridice de Peri, qui lui ont valu une grande renommée et le surnom de ‘La Cecchina’ (la petite Francesca), sous lequel elle sera connue toute sa vie.

Fille du musicien Giulio Caccini, éduquée à la cour des Médicis, elle devint l’une des artistes les plus respectées et la mieux payée de son temps.

Pédagogue et femme de lettres, elle incarna l’idéal humaniste de la musicienne savante.

Son œuvre, longtemps oubliée, est aujourd’hui reconnue comme un jalon majeur de la création féminine au XVIIᵉ siècle.


Écoutes courtes, extraites de Il primo libro delle Musiche (1618)

Compilation de pièces instrumentales

Romanesca *, suivie de Ciaccona *

Compilation de pièces vocales

Lasciatemi qui solo, suivi de Maria, Dolce Maria

Deux extraits de l’opéra La liberazione di Ruggiero dall’isola d’Alcina (1625)

Prologue suivi du Final (séparés par 5 » de silence) par le Huelgas Ensemble (2018)
Pour la présentation plus détaillée de l’opéra, voyez ici *

Écoute longue

Compilation * d’airs sacrés et profanes entrecoupées de pièces instrumentales (voir détails en cliquant sur le lien *)


Le coin de écoutes comparatives

Maria, Dolce Maria – Madrigal (1618)

Madrigal pour voix et basse continue, sur un texte de Michelangelo Buonarroti il Giovane, publié en 1618 dans le « Primo Libro delle Musiche« . C’est un des airs les plus connus et enregistré de Francesca Caccini. Voici un échantillon…

Ensemble Laus Concentus · Silvia Piccolo · Massimo Lonardi

Julia Deit-Ferrand, mezzo-soprano – Benjamin Righetti, orgue
Enregistré à l’orgue italien (Formentelli – Tricoteaux) de St-François de Lausanne, le 14 juin 2022.

Version très lente (trop ?) très inspirée par les japonaises
Michiko Takahashi, Soprano – Akiko Sato, Théorbe (2024)

Danielle Reutter-Harrah, Soprano – Maxine Eilander, Harpe baroque – Stephen Stubbs, Luth

San Francisco Girls Chorus Version en Trio

Emily Saville, Trombone baroque / Saquebout
Barbora Hulcová, Théorbe.


Lasciatemi qui solo *

Caroline Arnaud, Soprano – Etienne Galletier, Luth
« La boîte à pépites » #17 – 2021

Arnaud Gluck, Contre-ténor – Alice Letort, Théorbe


* Pour en savoir plus…

Courte biographie

Francesca Caccini, compositrice, chanteuse, luthiste, poète et professeure de musique italienne du début de l’époque baroque, était également connue sous le surnom de « La Cecchina », qui lui avait été donné à l’origine par les Florentins et qui était probablement un diminutif de « Francesca ». Fille de Giulio Caccini, elle fut l’une des compositrices européennes les plus connues et les plus influentes entre Hildegarde de Bingen au XIIe siècle et le XIXe siècle. Son œuvre scénique, « La liberazione di Ruggiero », est largement considérée comme le premier opéra composé par une femme.
Francesca, qui a joué un rôle important au XVIIe siècle en tant que professeur de chant à la cour des Médicis, a également développé un recueil de styles contemporains, allant de lamentations intensément émouvantes et harmoniquement audacieuses à des chants sacrés joyeux en italien et en latin, en passant par des chansons strophiques pleines d’esprit sur les joies et les périls de l’amour romantique. « Il primo libro delle musiche », un recueil de trente-six chansons solo et de duos « soprano-basse », a été publié en 1618 comme matériel pédagogique pour les chanteurs et dédié à son mécène, le cardinal de Médicis (1596 † 1666).
Très peu de ses compositions ont survécu. La plupart de ses musiques de scène ont été composées pour des comédies du poète Michelangelo Buonarroti le Jeune (petit-neveu de l’artiste), telles que « La Tancia » (1613), « Il passatempo » (1614) et « La Fiera » (1619).
On pense qu’elle était une compositrice rapide et prolifique, dont la productivité était égale à celle de ses collègues de la cour Jacopo Peri et Marco da Gagliano.


Compilation longue

Elena Cecchi Fedi (soprano), Cappella di Santa Maria degli Angiolini, Gian Luca Lastraioli (theorbo, cittern, baroque guitar & concert master)

00:00:00 Ch’Amor sia nudo 00:03:25 Io veggio i campi 00:06:19 O che nuovo stupor 00:13:47 Che t’ho fatt’io 00:17:28 Ciaccona 00:22:03 Dov’io credea 00:25:24 O Chiome belle 00:28:03 Maria, dolce Maria 00:30:46 Romanesca 00:35:52 Non so se quel Sorriso 00:39:03 Dispiegate, guance amate 00:43:11 Se muove a giurar fede 00:48:10 Lasciatemi qui solo 00:53:56 S’io me’n vo 00:57:30 O vive Rose 01:02:15 Chi desia di saper


Lasciatemi qui solo – Extrait de Primo Libro delle Musiche, Florence (1618)

Lasciatemi qui solo tornate augelli al nido mentre l’anima
e’l duolo spiro su questo lido. Altri meco non voglio ch’un freddo scoglio, e’l mio fatal martire.
Lasciatemi morire.

Dolcissime sirene, ch’en si pietoso canto raddolcite mie pene, fate soave il pianto! Movete nuoto altronde, togliete all’onde i crudi sdegni, e l’ire.
Lasciatemi morire.

Placidissimi venti, tornate al vostro speco; sol miei duri lamenti chieggio che restin meco. Vostri sospir non chiamo, solingo bramo i miei dolor finire.
Lasciatemi morire.

Felicissimi amanti, tornate al bel diletto; fere eccels’o notanti, fuggite il mesto aspetto! Sol dolcezza di morte apra le porte all’ultimo languire.
Lasciatemi morire.

Avarissimi lumi, che su’l morir versate amarissimi fiumi, tard’è vostra pietate! Gia mi sento mancare… o luci avare e tarde al mio conforto…
gia sono esangue e morto.

Laissez-moi ici seul, retournez, oiseaux, à votre nid, tandis que mon âme et ma douleur expirent sur ce rivage. Je ne veux rien d’autre avec moi qu’un rocher froid et mon martyre fatal. Laissez-moi mourir.

Douces sirènes, qui adoucissez mes peines par vos chants miséricordieux, rendez mes pleurs plus doux ! Nagez ailleurs, ôtez aux vagues leur cruelle fureur et leur colère.
Laissez-moi mourir.

Vents très placides, retournez à votre repaire ; je ne demande que mes dures lamentations pour rester avec moi. Je n’appelle pas vos soupirs, je ne désire que la fin de mes douleurs. Laissez-moi mourir.

Amants très heureux, retournez à votre beau plaisir ; bêtes excellentes et remarquables, fuyez cet aspect triste ! Que seule la douceur de la mort ouvre les portes à ma dernière langueur. Laissez-moi mourir.

Lumières avares, qui versez des fleuves amers sur ma mort, votre pitié est tardive ! Je me sens déjà défaillir… ô lumières avares et tardives à me réconforter…
je suis déjà exsangue et mort.


Romanesca – Pièce instrumentale

Ciaccona extraite de Il primo libro delle Musiche
Cappella di Santa Maria degli Angiolini / Gian Luca Lastraioli theorbo, cittern, baroque guitar & concert master


La liberazione di Ruggiero dall’isola d’Alcina / La libération de Ruggiero de l’île d’Alcina – Opéra (1625)

Il y a exactement 400 ans, Francesca Caccini, en choisissant ce sujet, mettait en valeur la puissance de la femme vertueuse et spirituelle sur la femme séductrice et dominatrice — un thème audacieux, interprétable comme une réflexion sur le pouvoir féminin, la morale et la maîtrise de soi.

Argument général

L’œuvre est un dramma musicale en un prologue et trois scènes, sur un livret de Ferdinando Saracinelli, d’après l’Orlando Furioso de l’Arioste (chants VI–VII).
Elle raconte la libération du chevalier Ruggiero, prisonnier des charmes de la magicienne Alcina, par la magicienne vertueuse Melissa, qui représente la raison, la sagesse et la fidélité.
Ce thème — la victoire de la vertu et de la raison sur la séduction illusoire — en faisait une allégorie morale et politique, très adaptée à la cour des Médicis, où la pièce fut représentée en 1625 devant le prince de Pologne.

Prologue
L’Intelligence Divine proclame la victoire prochaine de la Vertu sur le Vice et annonce l’action à venir.
La musique, pure et lumineuse, installe un ton allégorique : ce n’est pas seulement une histoire d’amour, mais un combat spirituel.

Scène I – Le pouvoir d’Alcina
La magicienne Alcina règne sur une île enchantée où elle retient des chevaliers séduits par sa beauté.
Ses amants, transformés en pierres, plantes ou bêtes, symbolisent ceux qui se sont laissés perdre par les plaisirs des sens.
Le chevalier Ruggiero, lui aussi ensorcelé, vit dans un bonheur illusoire.
Il croit aimer une femme parfaite, mais il est prisonnier d’une magie trompeuse.

Scène II – L’intervention de Melissa
La sage magicienne Melissa, envoyée par la reine Bradamante (la fiancée de Ruggiero), arrive sur l’île déguisée en homme.
Elle tente de réveiller Ruggiero en lui rappelant son honneur, sa mission et son amour fidèle pour Bradamante.
Par ses paroles et par un chant de désenchantement, Melissa détruit peu à peu les sortilèges d’Alcina.
Les illusions de la magicienne se dissipent : ses jardins fanent, sa beauté disparaît, et Ruggiero retrouve la raison.

Scène III – La libération
Ruggiero, désormais conscient, affronte Alcina.
Celle-ci, furieuse, tente en vain de retenir son amant ; la puissance de la vertu l’emporte sur la passion.
Les anciens prisonniers, délivrés de leur métamorphose, rendent grâce à Melissa.
L’œuvre s’achève sur un chœur triomphal célébrant la victoire de la sagesse, de la fidélité et de la vertu.


Orchestre de l’Opéra de chambre de Varsovie – Wladyslaw Klosiewicz, Direction (1996)

01 – Sinfonia
02 – Prologo (Nettuno, Vistola fiume, Coro di Numi dell’acque)
03 – Sinfonia
04 – Cosě perfida Alcina (Melissa)
05 – Qui si puň dire (Coro di Damigelle, Alcina, Ruggiero)
06 – O quanto č dolce (Ruggiero, Pastore, Sirena)
07 – Ecco l’ora (Melissa, Ruggiero)
08 – Ruggier de danni asprissimi
(Coro delle Piante incantate, Ruggiero, Melissa)
09 – O bei pensieri volate (Coro di Damigelle)
10 – Qui lasciai la mia vita (Alcina, Nunzia, Damigelle)

11 – Alcina, il pianto affrena (Ruggiero, Alcina, Damigelle)
12 – Non solo il chiaro Ruggiero (Melissa)
– Qual temerario core (Alcina)
13 – Proverŕ, crudeltŕ (Coro di Mostri)
14 – E come, ohimč, dall’ odioso Regno (Astolfo)
15 – Ballo delle dame disincantate
16 – Versate occhi amarissimi pianti
(Dama disincantata, Melissa)
17 – Ai diletti, al giore (Coro di Cavalieri liberati)
18 – Ballo a cavallo
19 – Tosche del Sol piů belle
(Madrigale per fine di tutta la festa)

Ci-dessous une autre version intégrale donnée en concert par la Compagnie ‘Opera McGill’, qui le présente ainsi :
« Premier opéra écrit par une compositrice, ou du moins le plus ancien qui ait survécu au passage du temps, « La liberazione di Ruggiero dall’isola d’Alcina » de Francesca Caccini s’inspire d’un passage du roman fantastique en vers de Ludovico Ariosto intitulé « Orlando Furioso ». L’opéra de Caccini modifie l’histoire originale du livre afin de mettre davantage en avant l’importance des femmes dans le récit. Dans l’interprétation unique d’Opera McGill, l’histoire de l’île enchantée d’Alcina a été transposée dans un grand manoir plein de magie et de mystères, où d’anciens amants sont piégés dans des cadres accrochés aux murs.« 


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