Écoute musicale n°64 Maurice Ohana
Écoute musicale n°64 Maurice Ohana

Écoute musicale n°64 Maurice Ohana

Maurice Ohana (1913-1992)

« Les grandes leçons de musique, ce ne sont pas les musiciens qui me les ont données. Je les ai reçues concrètement de la mer, du vent, de la pluie sur les arbres et de la lumière, ou encore de la contemplation de certains paysages que je recherche parce qu’ils ont l’air d’appartenir plus à la création du monde qu’à nos contrées civilisées. »

Maurice Ohana

Maurice Ohana occupe une place particulière dans la musique contemporaine. Tout d’abord par son désir de rupture voire d’opposition aux « dictats » des tenants de l’écriture sérielle et dodécaphonique dont Boulez était l’ardent défenseur.
Inspiré par Debussy, ses couleurs et la gamme hexatonale que celui-ci aimait utiliser, Ohana développa une écriture utilisant une gamme procédant par 1/3 de tons. Les altérations sont marquées par des « slash » : / pour 1/3 de ton, // pour 2/3 de ton.
D’ou son penchant pour les instruments ‘malléables’ au plan de l’accord, comme la voix et les cordes.
Par ailleurs, son parcours linguistique et culturel l’a probablement marqué : né au Maroc, ayant vécu à Barcelone, Rome, Paris, et aussi au Pays-Basque.
La voix et les percussions sont pour lui à l’origine de l’expression musicale humaine, et il les associe presque toujours, la vocalise dépassant souvent les mots, et s’élevant dans une spiritualité non religieuse (sauf dans la « Messe » évidemment), les titres et les textes étant le plus souvent ajoutés après coup.


Écoutes brèves : musique contemporaine du XX°s. post-moderne

Voici un petit florilège des œuvres de ce compositeur prolifique. Si vous voulez en savoir plus ou remettre les extraits dans leur contexte, il vous suffit de poursuivre cette lecture.

Instruments solo : Piano – Guitare – Clavecin – Flûte
Voix (et ensembles instrumentaux*) : Neige sur les orangers – Cantiga del azahar* – Kyrie* – Mambo

Explorez les méandres subtils de la micro-tonalité au tiers de ton…

Grand orchestre : T’Haran-Ngo

Laissez-vous envoûter par le chatoiement des couleurs de l’orchestre…


Compositions pour instruments solo

24 Préludes pour piano – Extraits : 1. 7. 8. 9. 10. (1972-73)

Par Prodromos Symeonidis, Piano – Récital de 2006 lors duquel le pianiste joue par cœur (ce que je n’ai vu dans aucun enregistrement pour piano de Boulez, y compris par lui-même…).

Sorôn-Ngô – 2 Pianos (1968-70)

Par Geneviève Joy & Jacqueline Robin, Pianos


2 Pièces pour Clavecin (1982-83)

Par Elisabeth Chojnacka, Clavecin

I. Wamba
II. Conga

Cadran lunaire – Guitare (1981-82)

1. Saturnal
2. Jondo
3. Sylva
4. Candil

1. Saturnal [0:00] 2. Jondo [5:50] 3. Sylva [11:45] 4. Candil [17:17]
Par Stephan Schmidt, Guitare à 10 cordes.


Quatre improvisations pour flûte seule (1960-61)

I. Assez libre – II. N 2 – III. Petite flute – IV. Rapide


Compositions pour chœurs

Neige sur les orangers – Extrait des Quatre chœurs pour voix d’enfants (1987)

Cette œuvre a été créée par le Chœur Britten en 1987.

Que serenina cae la nieve
Ea, ea, ea, duerme te mi bien.
Tanto ha nevado que hasta los naranjales
Han florecido, Pino verde.
Que serenina cae la nieve
Ea, ea, ea, duerme te mi bien.

Comme la neige tombe sereinement
Ea, ea, ea, dors mon trésor.
Il a tellement neigé que même les orangers
Ont fleuri, Pin vert.
Comme la neige tombe sereinement
Ea, ea, ea, dors mon trésor.

Concert du 23/12/22 de Escuela de Música Sirinx en la Catedral Vieja de Salamanca par le Coro Meraki
Maria-Ángeles Pérez Lancho, Direction


Lys de madrigaux pour 24 voix féminines, piano, deux cithares (l’une chromatique, l’autre en tiers de ton), orgue et percussion (1976)

1.Calypso 2. Circé 3. Star made blues 4. Parques 5. Tropique de la Vierge 6. Miroir de Sapho

Par l’Ensemble Batida & l’Ensemble Polhymnia – Sébastien Boin, cythares – Franck Marcon, direction.


Cantigas (1953-54)**

I. Cantiga de los Reyes Magos

II. Cantiga del destierro

III. Cantiga de vela

IV. Cantiga del azahar

V. Cantiga de la Noche Santa

VI. Cantiga del Nacimiento

Par Isabel Garcisanz, mezzo-soprano – Choeur de chambre de l’ORTF – Ensemble « Ars Nova » de l’ORTF, Marcel Couraud (1968)
Les 6 pièces enchaînées :


Messe (1971)**

I. Entrée

II. Prélude

III. Kyrie

IV. Gloria

VI. Alleluia

Vlll. Trope

IX. Sanctus

X. Agnus Dei

Par Hanna Schaer, soprano – Isabel Garcisanz, mezzo-soprano – Jean Boyer, orgue – Didier Vérité, percussion – Choeur de Radio France, Guy Reibel (1981)
Les 8 pièces de la version concert enchaînées :


Swan Song (1987-88)

I. Drone – II. Eleis – III. Epitaphe – IV. Mambo.
Par le Macadam Ensemble, Etienne Ferchaud, Direction (2022)

I. Drone
II. Eleis
III. Epitaphe
IV. Mambo

Les 4 pièces enchaînées :


Compositions pour grand orchestre

Tombeau de Claude Debussy (1962)**

Par Sylvie Sullé, Soprano – Laure Morabit, Cithare – Christian Ivaldi, Piano, et le Luxembourg Philharmonic Orchestra dirigé par Arturo Tamayo (2008)

I – Hommage

II – Soleils

III – Ballade de la Grande Guerre

IV – Autres Soleils

V – Miroir Endormi

VI – Rose des Vents et de la Pluie

VII – Envoi

Les 7 pièces enchaînées


Synaxis (1966)

Par Pascal Devoyon & Christian Ivaldi, Pianos – l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg, Arturo Tamayo (2000)

T’Haran-Ngo (1974)

Par le Luxembourg Philharmonic Orchestra – Arturo Tamayo, Direction (2008)


Silenciaire (1969)**

Par le Luxembourg Philharmonic Orchestra dirigé par Arturo Tamayo


**Pour en savoir plus…

Sur les « Cantigas » (1953-54)

Fruit d’une commande de la Norddeutscher Rundfunk de Hambourg, qui l’a créée en 1957, Cantigas est écrit pour un chœur mixte (dont émergent périodiquement des solistes) et un ensemble composé d’instruments à vent, de percussions et d’un piano. Révélant un côté beaucoup plus lyrique de la personnalité musicale du compositeur, cette œuvre en six mouvements emprunte son titre aux poèmes mystiques et monodies du XIIIe siècle du roi Alphonse X « le Sage », connus sous le nom de Cantigas de Santa Maria. Le quatrième des six mouvements, « Cantiga del azahar » (Chanson de la fleur d’oranger), fusionne le texte de trois poèmes d’Alphonse et intègre une monodie qui lui est directement attribuée. Les cinq autres mouvements utilisent des textes de quatre poètes du Moyen Âge et de la Renaissance.

Avec l’ensemble instrumental jouant un rôle secondaire, l’œuvre explore un style vocal qui doit beaucoup aux répertoires vocaux médiévaux et Renaissance qu’Ohana a étudiés à la Schola Cantorum. Une grande partie de la structure interne du mouvement suit des schémas responsoriaux et antiphoniques, ce qui est particulièrement notable dans le cinquième mouvement qui alterne des vocalisations contemplatives et non mesurées d’une soliste contralto avec un matériau plus extraverti, mesuré et homorythmique du chœur et de l’ensemble. De nombreuses textures contrapuntiques évoquent le caractère de la polyphonie de la Renaissance, bien que l’emprunt de certaines techniques associées à ce répertoire (trope, conductus et cantus firmus) ne soit exploré que dans ses œuvres ultérieures, notamment Chiffres de clavecin, Silenciaire, Office des oracles et la Messe.

Reflétant le caractère musical des monodies originales du roi Alphonse sur lesquelles se base Cantigas, Ohana s’est inspiré des propriétés mélodiques des chants mozarabes, grégoriens, séfarades et muezzins, tous associés à la péninsule ibérique et qui ont profondément influencé les formes mélodiques de la musique folklorique espagnole. Bien que les textures de type organum ne soient pas autant exploitées ici que dans sa musique vocale ultérieure, le parallélisme est une caractéristique de nombreuses textures homophoniques. Une distinction est implicite entre les hauteurs notées de manière enharmonique dans une tentative de s’écarter des conventions, voire des restrictions du tempérament moderne. Bien que les quarts de ton réels soient notés ici dans certains des solos sans accompagnement, beaucoup d’entre eux sont sans mesure afin de suggérer la spontanéité de l’improvisation. Presque entièrement sans accompagnement, « Cantiga del azahar » est le plus personnel et le plus expressif des six mouvements et représente le cœur émotionnel de l’œuvre ; une mélodie improvisée et sans mesure migre à travers les parties vocales, descendant d’une soprano enfant soliste, passant par les contraltos jusqu’aux basses du chœur. La beauté lente et solennelle de la mélodie, dont le texte loue la Vierge, crée une atmosphère de pureté et de contemplation poétique. Le fait qu’il s’agisse du seul mouvement à ne pas porter de dédicace suggère peut-être une signification particulièrement personnelle pour le compositeur. Si l’environnement harmonique des Cantigas dans leur ensemble est principalement modal, certaines caractéristiques harmoniques anticipent les procédés de ses œuvres de maturité.

(source : The Music of Maurice Ohana, par Caroline Rae)

Je vous recommande également la présentation et l’analyse de la 4ème des Cantigas sur le site Symphozik.info.

Vous pouvez accéder directement pour visualiser la partition en cliquant sur les liens de temps
I. Cantiga de los Reyes Magos [0:00] II. Cantiga del destierro [5:01] III. Cantiga de Vela [11:42] IV. Cantiga del azahar [15:44] V. Cantiga de la Noche Santa [20:10] VI. Cantiga del Nacimiento [23:49]

Sur la « Messe » (1971)

La Messe de Maurice Ohana est une œuvre pour chœur et ensemble instrumental. Elle existe en deux versions, l’une pour les concerts et l’autre pour les célébrations liturgiques. La version pour concert, jouée ici, omet certaines parties de l’œuvre complète.

« Commandée par France-Culture pour le 31e Festival d’Avignon, cette messe est la seule œuvre « officiellement » religieuse de Maurice Ohana, dans la mesure où elle est conçue comme le support sonore d’une célébration liturgique. Elle répond à la nécessité d’être à la portée des interprètes amateurs. L’écriture est donc dépourvue de complexités majeures en matière de solfège ou de contrepoint, mais l’interprétation exige un son et un style vocal qui reviennent à leur nature au-delà des gammes tempérées et des timbres cultivés. « Texte sacré archétypal créé à travers les âges par des hommes inspirés, il ajoute à sa spiritualité évidente une valeur phonétique dont les pouvoirs et le mystère appellent la vocalisation, la psalmodie, l’antiphonie et la réactivité comme support spontané, partagé entre liberté et rigueur. »

Vous pouvez accéder directement pour visualiser la partition en cliquant sur les liens de temps
I. Entrée [0:00] II. Prélude [0:53] III. Kyrie [2:24] IV. Gloria [7:11] VI. Alleluia [18:26] Vlll. Trope [20:54] IX. Sanctus [23:41] X. Agnus Dei [27:33]

Sur le « Tombeau de Claude Debussy » (1962)

Vous pouvez accéder directement pour visualiser la partition en cliquant sur les liens de temps
00:00 I – Hommage 06:49 II – Soleils 09:02 III – Ballade de la Grande Guerre 12:33 IV – Autres Soleils 18:05 V – Miroir Endormi 20:19 VI – Rose des Vents et de la Pluie 24:57 VII – Envoi

Sur « Synaxis » (1966)

Vous pouvez accéder directement pour visualiser la partition en cliquant sur les liens de temps
I. Diaphonie [0:00] – II. Tympanum [2:21] – III. Sibile [5:05] – IV. Tropes [7:11] – V. Clameur [9:15] – VI. Organum [10:33] – VII. Antiphonie [12:15] – VIII. Maya [16:57]

Sur « Silenciaire » (1969)

Description des épisodes auxquels vous accédez directement pour visualiser la partition en cliquant sur les liens de temps
00:00 Les sifflets à coulisse et les glissandos des cordes montent et descendent jusqu’à un coup de percussion explosif.
01:01 Une atmosphère rituelle s’installe alors que les percussions jouent en temps libre, les cordes se joignant à elles à 02:32 03:38 Une frénésie soudaine des cordes.
05:40 Des cordes graves et menaçantes et des cloches sinistres avant les cadences des percussions à mailloches.
08:04 « Aventures : jouez ces « aventures » dans un ordre prédéterminé par le percussionniste en chef ». 4 : Accords de cloches imposants entrecoupés de percussions en bois.
09:00 Aventure 2 : Glissandos sifflants des cordes et percussions subtiles.
10:08 Aventure 3 : Polyrythmes de percussions sous des accords de cordes perçants.
11:23 Aventure 1 : les percussionnistes se déchaînent avec des passages rapides et des frappes audacieuses avant de se calmer pour…
12:09 Une section lente et méditative mettant en vedette le gong, le tam-tam et les cymbales, qui culmine en un immense climax à 14:16
15:17 Une dernière rafale frénétique de cordes

Sur « T’Haran-Ngo » (1974)

Astres, Lumière et Nuit 
Le Feu, la Terre 
Les Moissons et les Arbres 
L’Air et l’Eau, le Silence et l’Absence