Écoute musicale n°40
Écoute musicale n°40

Écoute musicale n°40

Frédéric Chopin (1810-1849)

Retour à Chopin pour compléter la série des pianistes romantiques avec Mendelssohn, Schumann et Liszt.
En ces temps très incertains et troublés, je vous propose de partager l’écoute d’une série de Mazurkas par 3 grands interprètes du piano : Nikita Magaloff (qui fut le second maître de Jacques Chapuis après le décès de Dinu Lipatti), Samson François (pur représentant de ‘l’école française’ du piano), et Grigory Sokolov (dans la grande lignée de l’école russe du piano).

Les Mazurkas de Chopin sont un peu comme un carnet intime de poésie. Ici, pas de virtuosité transcendantale. Des mélodies puisant au cœur pour parler à l’âme…

Je ne peux m’empêcher de regretter de ne pas pouvoir partager l’interprétation d’Elza Kolodin, entendue en récital à La Roque d’Anthéron en 1987 : toute la salle pleurait d’émotion !
Nous avons bien besoin d’être emportés par ce type d’émotion pour affronter le réel avec confiance…

Tout le long des années 1825 à 1849, Frédéric Chopin a composé au moins cinquante-neuf Mazurkas, d’après la danse traditionnelle polonaise. Cinquante-huit ont été publiées, dont quarante-cinq du vivant de Chopin, et quarante-et-une d’entre elles ont un numéro d’opus. Treize ont paru après sa mort, dont huit ont des numéros d’opus posthume.

Nikita Magaloff (1912-1992) : Op.6 n°1 à 4 ; Op.7 n°1 à 5 ; Op.50 n°1 à 3.

Samson François (1924-1970) : Op.17 n°1 à 4 ; Op.24 n°1 à 4.
Voyez la présentation et l’analyse proposée par Wikipédia à propos de l’Op.17 : Mazurkas, opus 17 de Chopin.

Grigory Sokolov (né en 1950) : Op.30 n°1 à 4 ; Op.63 n°2 ; Op.68 n°4.

Questions d’interprétation

Ici se pose particulièrement la question de la synchronisation rythmique entre les basses et la mélodie.
Le début du XX° siècle a été marqué par un style assez libre décalant presque systématiquement les attaques de la mélodie par rapport à la basse. C’était à l’époque un moyen « d’expression » que l’on qualifierait aujourd’hui d’ampoulé, maniéré quand ce n’est pas mièvre quand ce style de jeu se substitue à la profondeur de l’interprète.
La question du Rubato, très présent dans chez Chopin, est un espace de liberté quasiment infini donné aux interprètes.

Lisant la partition en écoutant l’interprétation de Vladimir Horowitz, j’ai enfin compris cette façon de décaler légèrement l’attaque de la mélodie par rapport à la basse. En fait, Horowitz prolonge les effets écrits par Chopin lui-même, soit avec de franches anticipations par des syncopes, soit par des ornements dont la première note est placée sur le temps, décalant ainsi la note « réelle » de la mélodie.
D’autre part, le rythme de Croche-pointée/Double est plus ou moins strict, et prolongé quand la suite de la phrase indique pourtant Deux Croches simples. C’est alors comme si la poursuite du rythme pointé initial allait de soi (facilité d’écriture comme dans l’écriture du jazz, binaire, alors qu’il est joué ternaire), rappelant aussi la question des « croches inégales » évoquées dans l’article sur Jacques Duphly (n°36).

Sur la question de la régularité de la main gauche quand elle accompagne avec une « pompe » à 3 temps, Basse + 2 accords.
Dans toutes les interprétations de la Mazurka n°25 Op.34 n°4 qui suit, aucun interprète ne joue cette basse de la même manière, et jamais de façon métronomique. Comme le dit Wikipédia cité plus haut à « Mazurka » :
Le style de la mazurka est généralement ternaire, ce qui donne des partitions en 9/8. Comme en jazz, certaines partitions ont été écrites en 3/4 et il faut lire noire-croche lorsqu’on voit écrit un temps découpé en deux croches.
Ceci explique l’inégalité du traitement des temps.

Voyez à ce propos l’interview de Samson François et en particulier son rapport à la Mesure.
https://youtu.be/7-SrkJR8gAo?si=VWKSJufrf1DOHQvg&t=7
Et prenez encore 5′ pour regarder le portrait de ce pianiste véritablement hors norme :
https://youtube.com/watch?v=5WDrp5VmBAU%3Fsi%3D6QGZ4hkRRYaDwyUC

Mazurka en Si mineur Op.34 n°4

Si vous aimez jouer à « La tribune des critiques de disques », voici de quoi vous amuser avec 8 interprètes, 8 version allant de 4’34 à 7’45 ! Aucune femme parmi eux, j’en suis désolé, vivement que ça change !…
Un élément facile à identifier : les deux dernières mesures, tantôt rageuses, victorieuses, tantôt nous sortant d’une profonde mélancolie, ou au contraire la prolongeant…

Vladimir Horowitz – Chopin : Mazurka in B minor Op.33 No.4.

Arthur Rubinstein – Chopin Mazurka, Op. 33 No. 4.

Arturo Benedetti Michelangeli (London 1990) – Chopin – Mazurka op.33 n°4.

Samson François – Mazurka No. 25 in B Minor, Op. 33 No. 4.

Nelson Freire – Chopin – Mazurka Op.33 No.4 en Si mineur.

Mauricio Pollini – Chopin : Mazurka No. 25 in B minor Op. 33 No. 4.

BRUCE (XIAOYU) LIU – Mazurka in B minor, Op. 33 No. 4 (18th Chopin Competition, third stage).

Vladimir Ashkenazy – Chopin Mazurka No 25 in B minor, Op 33 No 4.

Voici pour finir une version transcrite (et transposée en Ré mineur) pour la Guitare, par Stefano Grondona. Mazurka op.33 n. 4. Je ne la trouve pas vraiment convaincantes en termes de contrastes dynamiques notamment, et sans doute ces pièces sont-elles pour moi trop associées au piano…

Je vous souhaite une belle écoute !

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