J’ai débuté en Avril 1979 à la Ville de Paris comme « Maître Délégué à l’Éducation Musicale » dans les écoles maternelles et primaires.
J’ai pris officiellement ma retraite le 1er Juillet 2020, soit après 41 ans de carrière, prolongée de 3 ans comme travailleur indépendant au service de Ryméa, ce qui fait un total de 44 ans d’activité professionnelle comme professeur d’éducation musicale selon la « Méthode Willems », car je l’ai pratiquée dès ma première année.
J’ai également dirigé Ryméa pendant 29 ans, de 1991 à 2020, en ayant toujours été le professeur principal depuis sa création par Jacques Chapuis sous l’égide de l’AIEM Willems en 1987.
Je vais présenter ici quatre bilans :
- pour mon activité pédagogique auprès des enfants et des adultes,
- pour mon management comme Directeur de Ryméa,
- pour mon activité de formateur,
- pour mon engagement dans le Mouvement Willems®.
1. Bilan comme professeur d’éducation musicale et de piano
Il est assez mitigé.
- Concernant l’initiation musicale jusqu’à l’introduction du solfège, j’ai acquis une grande expérience et même une expertise approfondie des 4 degrés Willems®. Je suis aussi intervenu régulièrement dans des crèches pendant environ 15 ans.
Tout au long de ma carrière, je me suis posé des questions et cherché des réponses en expérimentant des procédés différents pour réaliser les principes de chaque degré.
J’ai fait quantité de plans, de tableaux, de programmes, qui étaient chaque fois des points d’étapes que j’ai toujours partagés, notamment avec Doris O. à Paris et Eulàlia C.-S. à Barcelone
Mais contrairement aux synthèses de Jacques Chapuis avec ses fiches par degrés, j’ai peu utilisé les miennes dans la durée, et en particulier, je n’ai jamais voulu les fixer dans des cahiers pour les élèves, et encore moins dans des livres. Car la répétition m’a toujours ennuyée.
Ceci m’a conduit à suivre la plupart du temps mon intuition du moment, en m’adaptant à chaque groupe et à chaque cours. Par chance, j’avais une très bonne intuition de ce qu’il fallait faire avec chacun dans l’instant. Le problème était dans l’anticipation du matériel nécessaire à une progression, particulièrement pour le solfège.
Alors j’ai fait des fiches de cours, personnalisées pour chaque groupe pendant de nombreuses années, puis reprises et adaptées jusqu’à la fin. - Concernant le solfège, je n’ai pas réussi à conduire mes élèves à des niveaux avancés.
Le livre de Solfège de Willems® était pour moi un carcan peu adapté au déroulement des cours et d’une progression. J’ai pourtant beaucoup essayé, car toutes les mélodies qu’il contient sont intéressantes, mais même en 5 ans, puisqu’il est sensé être utilisé durant 5 ans, jamais aucun de mes élèves ne les a toutes lues et étudiées.
C’est aussi pour ça que j’ai fait des fiches.
D’autre part, il n’y a pratiquement aucun matériel proposé pour le 3ème degré, mais des suggestions à développer soi-même, ce que j’ai largement fait (et partagé). Entre autre, il n’y a aucun développement sur les points de repères, alors que c’est le complément indispensable à la lecture relative.
Je regrette aussi l’absence de la clé d’Ut dans les premières lectures du livre… - Concernant les début au piano, j’ai aussi acquis une grande expérience en développant chacun des 4 chapitres prônés par Willems® : le jeu d’oreille, le jeu a prima vista, le jeu de mémoire et le jeu improvisé. Je crois avoir réussi à transmettre l’amour du piano à la plupart de mes élèves.
Et dès qu’ils étaient autonomes en lecture, je les confiais à des pianistes plus expérimentés techniquement. - Concernant les âges et les types d’élèves que j’ai accompagnés, j’ai eu la chance de travailler avec tous les genres :
- Les très jeunes enfants en crèche de 18 mois à 3 ans, et quelques expériences avec des bébés de 4 à 12 mois.
- Les enfants de l’école Montessori Tom Pouce de Lyon, maternelle et primaire, pendant 10 ans.
- Les enfants de la Maîtrise de la cathédrale St-Jean de Lyon pendant 6 ans, du CE2 à la 6ème, plus les 5ème et 4ème une année.
- Des enfants handicapés mentaux en cours individuels, notamment un autiste pendant presque 20 ans.
- Des adultes en cours collectifs de solfège, individuels de piano (dont mon cher Patrice C. pendant 30 ans !), et en chant choral pendant aussi une trentaine d’années…
2. Bilan comme Directeur de Ryméa
Là aussi, il est mitigé.
D’un côté, je peux être fier d’avoir conduit cette école pendant 29 ans, augmentant progressivement le nombre d’élèves passé d’une centaine au début à 260 avant la pandémie de COVID.
D’un autre côté, je pense avoir été davantage un coordinateur qu’un Directeur.
D’abord par la force des choses, puisqu’au moment où j’ai assuré cette Direction pédagogique, à la suite de Jacques Chapuis, j’ai « dirigé » mes collègues qui étaient aussi mes amis : Jean-Dominique W., puis Elisabeth V., Jean-Marc M. et Nicole B. Notre quintette marchait comme sur des roulettes, et chacun s’est remonté les manches pour dépasser les difficultés économiques quand il y en a eu.
Nous nous voyions beaucoup et je faisais beaucoup de réunions. Pourtant chacun travaillait comme il voulait dans son coin, en cohésion avec l’équipe du simple fait que nous donnions tous à la fois des cours d’initiation, de solfège et des cours d’instrument (sauf Jean-Dominique). Le lien entre ces deux domaines était donc plus naturel et fluide, et la préparations des 2 concerts annuels (Noël et fin d’année) et des stages de Toussaint ou de printemps nous avaient soudés les uns aux autres.
Nous étions créatifs et complémentaires. Avec Nicole, nous avons beaucoup joué à 4 mains au piano, et enregistré plus de 50 chansons pour nos élèves, en chantant à 2 voix et en nous accompagnant au piano à 4 mains en improvisant nos harmonisations. Nos liens amicaux ont largement dépassé le cadre professionnel, et nous sommes toujours en contact.
Période bénie de ma carrière !
A leur départ, j’ai été contraint de prendre réellement cette fonction de Directeur, mais je n’ai pas vraiment changé mon rapport avec les professeurs que j’ai toujours davantage considéré comme des collègues et collaborateurs que comme des administrés, d’autant plus que je donnais toujours entre 25 et 35 heures de cours hebdomadaires, soit largement plus du double que chacun de mes collègues au sein de Ryméa.
Quand j’ai voulu imposer une collaboration transversale plus active, notamment pour créer des liens devenus très insuffisants entre le solfège et l’instrument, je me suis cassé les dents et heurté à l’obstruction d’abord larvée puis conflictuelle de deux professeurs que j’avais pourtant engagés jeunes et sans expérience puis formés jusqu’au Diplôme Willems®.
C’est pour moi un échec et un très grand regret. Car les deux ont beaucoup de qualités et auraient pu continuer à s’épanouir à Ryméa. Peut-être avaient-ils besoin de « tuer le père » pour s’en affranchir et prendre leur envol…
Enfin, après ma retraite officielle de Directeur, j’ai assuré une transition de 3 ans avec mon successeur Benjamin L., comme travailleur indépendant, répondant quotidiennement à ses très nombreuses questions, donnant les cours qu’il me demandait de faire, valorisant son projet auprès du CA en lui laissant les mains totalement libres.
Triste fin
Malheureusement, il s’est conduit vis-à-vis de moi avec une profonde ingratitude, m’accusant d’avoir voulu saborder Ryméa après mon départ du fait que j’avais repris mon propre matériel sonore, assimilé selon lui à du vol !
Le pire est qu’il a été soutenu dans ses accusations par Nicole C. et Béatrice C.-W., pourtant collaboratrice et amie depuis 40 ans… Alors qu’il aurait été très simple de m’en parler tout de suite, il a attendu 2 mois pour porter ses accusations, refusant ma proposition de lui donner mon matériel sonore pour régler le conflit, puis a rompu toute communication, protégé par Nicole et Béatrice.
Quel dommage, et quelle bassesse…
Ces accusations m’ont terrassé, et je peine à m’en remettre, 2 ans après…
3. Bilan comme formateur au Diplôme Willems®
Depuis 2007, j’ai assuré des cours pour la formation de professeurs à Paris, Lyon, Ljubljana (Slovénie) et Medellin (Colombie).
C’est un travail très différent de former à la pédagogie que de donner soi-même des cours et conduire une progression.
J’ai à la fois aimé et redouté ces cours de formation.
Aimé pour le contact avec des gens très différents, toujours intéressants, aux parcours multiples, aux questions pointues, voire déstabilisantes, très stimulantes pour tout remettre en question et justifier ou mieux comprendre tel ou tel fonctionnement.
Redouté pour la crainte de n’être pas à la hauteur des enjeux, et toujours un peu complexé par mon faible niveau de solfège.
Redouté aussi par le temps de préparation nécessaire des textes, même si j’ai toujours pu utiliser les textes rassemblés par Béatrice C.-W. et surtout Eulàlia C.-S. qui a fourni et partagé avec l’équipe des formateurs actifs un travail remarquable pour lequel elle est méconnue. Qu’elle en soit ici encore remerciée : MERCI EULÁLIA !
Le plus important dans ma préparation, c’était l’emploi du temps qui constituait mon plan de cours.
Car donner en continu 10 à 12 heures de cours en 2 jours est une épreuve, tant pour le formateur que pour les étudiants.
Or je n’ai jamais lu un cours. Mes seules notes étaient mon emploi du temps, plus ou moins minuté, et les textes des lectures et dictées. Le chapitre lancé, je savais quoi faire, et me suis assez rarement répété.
Le plus difficile pour moi était de développer les sujets de dissertations, et de corriger les inventions mélodiques et harmoniques (à 2 voix).
Mon point fort a toujours été la pédagogie pratique, avec l’observation des vidéos et leurs commentaires.
J’ai beaucoup évolué à ce sujet au fil du temps. J’ai pu être cassant dans mes débuts, comme pouvait l’être Jacques Chapuis, et très certainement maladroit. Mais je crois au fond n’avoir jamais jugé personne et fait une nette distinction entre ce que je voyais réalisé, plus ou moins bien, et la personne qui le réalisait.
C’est la chose la plus importante que j’ai retenue de l’enseignement de Jacques Chapuis : faire la distinction entre le « non-personnel », neutre impersonnel, le « personnel » qui concerne l’être, et le « trans-personnel » qui dépasse la personne qui n’est alors que le vecteur de principes plus généraux. On retrouve un peu de ces distinctions avec le « savoir », le « savoir-faire » et le « savoir-être » bien que ça ne soit pas corrélé.
Ainsi, s’il m’est arrivé de dire à quelqu’un que son cours était nul, et ça m’est arrivé (on me l’a reproché, et pas pardonné !), je n’ai jamais pensé que cette personne était nulle : c’est sa pratique que je qualifiais alors. Mais alors je ne me rendais pas compte que ce n’était pas recevable par ladite personne à cause de ma manière parfois péremptoire de lui dire.
Je crois que là-dessus je me suis bien amélioré au fil du temps ce qui m’a permis de mieux accompagner mes étudiants…
Je reste très critique du programme de la formation au Diplôme Willems®, même si en 2020/21 avec Béatrice C.-W. notre travail de refonte en 2 Diplômes chacun sur 2 ans (au lieu de 3) est une avancée notable.
Je pense que les niveaux requis en solfège, harmonie et piano sont trop élevés.
Je comprends le désir « d’excellence » prôné par Nicole C., dans le sens où l’on doit apporter le meilleur de soi aux enfants.
Le problème est que cette exigence se concrétise en une sélection élitiste qui est à l’opposé de la philosophie de Willems.
C’est une des raisons qui m’ont conduit à quitter ce Mouvement international qui a pourtant animé ma vie pendant plus de 40 ans…
4. Bilan de mon engagement dans le Mouvement Willems®
Adhérent depuis 1981, Diplômé en 1982, je suis devenu une sorte d’assistant-collaborateur de Jacques Chapuis dès la création de Ryméa à Lyon en 1987.
Je suis d’abord intervenu dans les formations à Lyon et Paris pour des bilans individuels et des cours collectifs de soutien.
Puis j’ai remplacé Jacques de temps en temps pour les cours, à Paris surtout.
Mon épouse Lylian étant devenue coordinatrice des Congrès pendant 3 ans, j’ai également participé activement à leur réalisation logistique dès 1984 à Lyon.
En 2007, à la mort inattendue de Jacques Chapuis à la suite d’une opération a priori bénigne, rien n’était prévu pour sa succession ni même le suivi des activités de l’AIEM Willems. J’ai assuré la transition en France, avec le Trésorier Romain Cottreaux, jusqu’au Congrès de Ljubljana en 2008 en Slovénie lors duquel j’ai été propulsé et élu Président du Mouvement International Willems, contre toute attente personnelle.
Président du Mouvement International Willems
J’ai assumé cette fonction 4 années durant, de 2008 à 2012, pendant lesquelles j’ai beaucoup travaillé pour faire évoluer les choses.
- J’ai professionnalisé les intervenants dans les formations en les déclarant comme professeurs, alors qu’ils n’avaient qu’un statut « d’étudiants boursiers ».
- J’ai proposé et en grande partie rédigé de nouveaux statuts transformant l’AIEM en Fédération Internationale Willems®.
- J’ai déposé le nom de « Willems® » comme marque associé à sa méthode en France et dans le monde, pour en valoriser le contenu et éviter les dérives ou récupérations.
- J’ai proposé une réactivation du volet « pédagogie pratique » dans la formation au Diplôme via des vidéos à réaliser par les étudiants avec leurs élèves. Malgré une forte résistance et inertie de mes collègues formateurs au début, cette partie de la formation est devenue aussi importante que la pédagogie fondamentale et la musicalité, ce dont je me félicite.
J’ai occupé successivement à peu près toutes les fonctions dans le Conseil d’Administration, avec plus ou moins d’efficacité, à part comme Président : Secrétaire, Responsable des Formations, Responsable du CAP, Trésorier.
Webmaster
En 2008 j’ai repris le site internet et l’ai développé grâce à une amie, Sabrina L., en 7 langues.
En 2020 j’ai complètement recréé le site avec l’aide de mon neveu Mathieu L., en faisant un très gros (trop gros ?!) site en 5 langues comprenant au total plus de 600 pages et articles, une Newsletter mensuelle, une base de données pour les étudiants en formation avec les vidéos de l’intégralité des 2 années de la formation nouvelle formule (160 heures de cours), et j’en passe…
Congrès internationaux
J’ai conçu les plannings des derniers Congrès, notamment de 2012 à Lausanne (Suisse), 2022 à Salvador-Bahia (Brésil) et 2023 à Udine (Italie), et je suis intervenu dans tous les Congrès depuis 2008.
Expérience à l’étranger
Travailler à l’étranger a été une chance formidable : j’ai pu constater la dimension universelle de la proposition de Willems et relativiser des pratiques quelquefois seulement justifiées par le fait que « Jacques faisait comme ça« . Le fait d’avoir à reformuler les principes de travail pour faciliter les traductions m’a imposé de revenir toujours aux textes d’Edgar Willems.
Et évidemment, découvrir des cultures aussi différentes que celles de la Colombie et de la Slovénie, et pour finir du Brésil, m’a considérablement enrichi et permis de mesurer les qualités des unes et des autres, qui manquent souvent en France, notamment l’engagement des professeurs, si remarquable en Colombie sous l’impulsion de Diana F. à Medellín.
Conclusion
J’ai eu la grande chance de faire quasiment toute ma carrière au même endroit, à Ryméa pendant 36 ans, en toute liberté et indépendance.
Je me suis totalement investi dans mon travail, parfois au détriment de mes enfants. Je conseille donc à mes jeunes collègues d’être vigilants sur ce point pour ne pas le regretter plus tard…
J’ai beaucoup aimé mon travail et me suis considéré davantage comme un artiste pédagogue (comme disait Sébastien B.) que comme un musicien, bien que je n’ai pas à rougir de mes compositions de chansons et contes musicaux.
Car ce qui m’a toujours animé, ce sont les rapports humains.
La proposition pédagogique d’Edgar Willems, basée sur la nature humaine, prenant l’éducation musicale comme vecteur privilégié d’une contribution à une éducation humaniste et créative, m’a permis une vie professionnelle riche et variée, incluant de nombreux voyages, notamment en Colombie et en Slovénie, mais aussi Portugal, Espagne, Suisse, Italie, et bien sûr en France.
Les possibilités d’analyse et de diagnostique mis en évidence par Willems m’ont permis de répondre à mes nombreuses questions, ce qui m’a donné l’impression d’avoir réponse à tout. J’ai même souvent dit à mes enfants que j’étais fatigué d’avoir toujours raison ! En réalité, je n’ai jamais cru détenir une quelconque vérité. Je me suis sans cesse interrogé sur le bien-fondé de ce que je faisais, et sans cesse sur le métier j’ai remis mon ouvrage. Ce bilan en est d’ailleurs un nouveau témoignage.
Sorti aujourd’hui de cette bulle willemsienne, je découvre presque avec étonnement qu’il y a d’autres choses dans la vie !
Et la retraite m’offre généreusement de nouvelles perspectives en-dehors de la musique…