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Les bases psychologiques de l’Education Musicale

Les bases psychologiques de l’Education Musicale

Voici le mémoire rédigé en Octobre 2005 pour son Diplôme Didactique Willems® par mon ancienne collègue Réjane Vollichard avait rédigé son mémoire sur « Les bases psychologiques de l’éducation musicale« , en 2007.
Elle a très aimablement accepté qu’il soit publié ici et ainsi mis à disposition des étudiants et amateurs de pédagogie musicale. Je l’en remercie beaucoup !

Un grand merci à Sieglinde Lluent, de Barcelone, pour la relecture et la correction de la traduction espagnole.

Passez la souris sur les titres jaunes de la Table des Matières et cliquez sur celui en surbrillance bleu pour accéder directement au chapitre correspondant, et sur la flèche en bas à droite pour remonter en haut de la page.


Les bases psychologiques
de l’Education Musicale

Mémoire présenté par Réjane Vollichard
dans le cadre du diplôme de didactique d’Education Musicale Willems (2007)

« L’Ecole d’Athènes », fresque de Raphaël. 1508-1511, Musée du Vatican. Rome.

TABLE DES MATIERES

1ère PARTIE « historique et anecdotique »

1.1 La musique à travers l’homme, l’homme à travers la musique

1.2 La Musique en tous sens

1.3 Un peu d’histoire

2ème PARTIE « psychologique »

2.1 Les bases profondes de l’éducation musicale

2.2 Les XI schémas

3ème PARTIE « plus pratique»

3.1 Développement auditif

3.2 Développement rythmique

3.3 Les Chansons

3.4 Les mouvements corporels

Conclusion

Avertissement:

– Afin de restituer fidèlement certaines pensées de Mr. Willems qui ne toléraient, à mon sens, aucune paraphrase, les passages originaux apparaissent en italique.
– Les textes figurant dans le chapitre 2b (les XI shémas) sont tels que M. Willems les a inscrits dans son livre « La valeur humaine de l’éducation musicale ».

1ère PARTIE « historique et anecdotique »

« Comme le grand artiste manie à son gré le rythme, la mélodie et l’harmonie,
ainsi l’être humain peut considérer son corps, ses émotions et ses pensées
comme des éléments propres à constituer son art de vivre » E. Willems

1.1 La musique à travers l’homme, l’homme à travers la musique

Depuis toujours, la musique tisse son fil et est en lien étroit avec l’éducation de l’être humain. Elle est le miroir de l’homme. Prenons l’exemple des chansons populaires, images et synthèses des différents courants historiques culturels, politiques, sociaux ; les chansons nous racontent des faits, des époques, des lieux, des moeurs, bien que, parfois, de manière transformée ou romancée au fil du temps… La tradition orale musicale nous lie à notre histoire humaine. La musique folklorique livre de précieux messages ethniques (instruments, danses, costumes, coutumes). De même, les oeuvres composées (écrites) nous livrent de nombreux indices pour éclairer et interpréter l’évolution des conventions de l’écriture musicale. La musique agit sur le comportement humain, dans des domaines divers:

  • Socialement, elle adoucit les moeurs, elle rassemble, réconcilie, ou dérange.
  • Thérapeutiquement, la musique a de nombreuses vertus : la musicothérapie, la sonothérapie, la rythmothérapie, l’harmonithérapie en sont des exemples.
  • Sur le plan éducatif, la personne qui pratique la musique favorise sa motricité, l’organisation de sa pensée, sa concentration, son endurance intellectuelle, sa volonté, le développement de son intelligence et son équilibre tout entier. Ce n’est pas un hasard si la musique a fait naître de nombreuses méthodes éducatives: Karl Orff, Zoltan Kodaly, Maurice Martenot, Emile Jaques-Dalcroze, Edgar Willems, pour les plus connus, et la liste n’est pas exhaustive.
  • Artistiquement, la musique permet à l’être humain de se réaliser à travers de belles oeuvres, elle-même créées par de puissants génies. Les grands compositeurs sont doués d’une intelligence musicale, générée par une grande intuition, qui est de l’ordre du supra-mental, voire du cosmos…

Nous pouvons dire que non seulement la musique est le miroir de l’homme, mais qu’elle sert l’homme. De là à dire que l’homme sert la musique, le pas est vite franchi : Le principe des bases psychologiques de l’éducation musicale réside dans le mariage des éléments constitutifs de la musique avec les facultés propres à l’être humain qui touchent à la fois le corps, le coeur et la tête, je veux dire qui touchent les sens, la sensibilité et l’intelligence. C’est dans la musique, étudiée sous l’angle de la nature humaine, que nous trouverons les principes de base les plus appropriés à l’éducation musicale. 

1.2 La Musique en tous sens

Il est nécessaire de faire la distinction entre le musicien praticien actif (l’essentialiste de la musique) qui est l’acteur des phénomènes musicaux, et celui, plus passif, de l’auditeur (l’existentialiste de la musique). Si je dis plus passif, il n’en reste pas moins que certains sens dudit auditeur sont en éveil. Voici quelques exemples qui illustrent mes propos :

  • Un jour dans le métro, je vois s’asseoir en face de moi un monsieur d’un certain âge, visiblement d’une autre culture. Ses deux écouteurs plaqués sur les oreilles distillaient une musique de l’Orient, soulignée par des instruments typiques et comportant une rythmique complexe, à temps inégaux. Cet homme voyageait à 1000 lieues de chez nous, le regard perdu dans le lointain, renouant avec ses propres racines tout en vivant intensément (cela se lisait sur son visage) les évocations de son pays. 
  • En écoutant une musique traditionnelle d’un pays maintes fois visité, il m’est possible de « sentir » des odeurs typiques, voire de « goûter » abstraitement des spécialités culinaires locales. 
  • L’évocation nostalgique engendrée par une musique de notre enfance ou en rapport avec un événement précis nous a tous une fois ou l’autre surpris. 
  • De même que le pas du danseur s’organise sur une musique, celle-ci peut nous « titiller » de sorte qu’un battement, si simple et petit soit-il, va nous mettre en mouvement. 
  • La musique distillée dans les grandes surfaces commerciales et censée nous faire acheter est peut-être utopique… 
  • La solennité que nous impose un hymne national avant ou après un acte sportif ou lors d’une célébration est bien réelle.

Ces phénomènes, vécus par tous un jour ou l’autre, sont du domaine passif. Ils ont toutefois des effets sur le comportement et sont parfois indépendants de notre volonté.

1.3 Un peu d’histoire

« La musique est une loi morale. Elle donne une âme à nos coeurs, des ailes à la pensée, un essor à l’imagination. Elle est un charme à la tristesse, à la gaieté, à la vie, à toute chose. Elle est l’essence du temps et s’élève à tout ce qui est de forme invisible, mais cependant éblouissante et passionnément éternelle. » Platon

« La musique équilibre l’homme, forme l’enfant et est en lien étroit avec la nature. » Platon

En l’an 387 avant J.-C., Platon fonde son école (dans le bois d’Akadémos, dans les environs d’Athènes, d’où le nom d’Académie). Il avait, parmi ses élèves, Aristote, le plus illustre et le plus célèbre. L’école vécut 10 siècles. Les 3 premiers siècles, l’on dispensa le programme élaboré par Platon et fondé sur les archétypes. (Comprenez: modes transmis par la vie = respiration, rythme cardiaque, chants d’oiseaux, etc…).

Pour Platon, la musique a 7 fonctions :

  1. Educative = de la personne : toutes les fonctions humaines entrent en action.
  2. Esthétique = valeur de la beauté véritable.
  3. Ethique = qui fait du bien.
  4. Sociale = qui accompagne la vie profane et religieuse, par tradition orale.
  5. Cathartique = nous permet d’expulser l’odieux, grâce au fait que l’on exprime à travers la musique, des sentiments graves.
  6. Thérapeutique = nous protège, nous soigne, avec les plantes pour complémentarité.
  7. Céleste = musique des sphères, du cosmos, de l’ordre de la métaphysique (Ce mot vient d’une expression grecque « meta ta physika vivlia » (après les livres de physique) pour désigner les livres d’Aristote qui, dans sa classification, venaient après les livres de physique. Pour Aristote, la métaphysique était la philosophie première, qui étudie l’être en tant qu’être), de la divinité.

Pour le pédagogue toujours en quête de matières à réflexions, ces 7 valeurs fondamentales devraient l’éclairer et lui élargir l’horizon ! Pour moi, ces valeurs fondamentales, ces fonctions complémentaires me semblent indispensables pour comprendre la nature de la musique en lien avec l’être humain. Actuellement, la tendance néglige les vraies valeurs profondes au profit d’une superficialité où l’on privilégie le matérialisme, les clichés (stéréotypes), le gavage intellectuel et l’abondance d’information par les médias, ce qui a pour effet de nous disperser, voire de nous éloigner de notre rôle essentiel.

La pédagogie (du grec to pedi, l’enfant et o agogos, le conducteur) est une science de toutes les époques, qui a pour but le développement harmonieux de toutes les facultés humaines, faisant de l’enfant un être complet.

2ème PARTIE « psychologique »

2.1 Les bases profondes de l’éducation musicale

Dans toutes les grandes civilisations, notamment dans la Grèce antique et en Orient, la musique, l’éducation musicale et instrumentale occupaient une place importante. Cependant, plus près de nous, penchons-nous sur sa valeur éducative, commencée à l’époque du Romantisme. L’époque du Romantisme amène donc un vent frais sur l’éducation, l’intérêt et l’amour pour l’enfant. C’est aussi l’époque des grandes questions : « D’où vient la vie, la matière ? » « Qu’est-ce que le monde de l’enfant ? » On met l’accent sur l’expression des sentiments et des pensées humaines. Un courant similaire se ressent à travers tous les arts de cette époque. C’est aussi le temps de la recherche de la pierre philosophale.

De grands hommes marquent l’évolution de l’Education : Jean Pestalozzi (1746- 1827), éducateur suisse : les enfants pauvres. Frédéric Froebel (1782-1852), allemand : les jardins d’enfants. Jean Piaget (1896-1980), psychologue suisse : approche « génétique » de la connaissance. Anna Freud (1895-1982), autrichienne naturalisée anglaise : analyse des enfants. Maria Montessori (1870-1950), italienne : éducation nouvelle, qui part des sens. La liste n’est pas exhaustive.

Dans l’éducation musicale également, l’on voit naître, à la même époque, des méthodes fondées par de grands hommes : Karl Orff et Zoltan Kodaly, pour « la musique à l’école », Emile Jaques-Dalcroze pour « la rythmique », Rudolf Steiner pour « l’eurythmie », Maurice Martenot pour « partir du jeu », Edgar Willems pour « la globalité ». Là également, la liste n’est pas exhaustive. Edgar Willems est le premier, pour la musique, à s’adresser à des enfants si jeunes (2 ans 1⁄2).Tous ces grands pédagogues avaient un but commun : l’union spirituelle du beau et du bien syncrétisé chez l’enfant.

Pour mieux comprendre les interactions des éléments fondamentaux de la musique avec ceux de la nature humaine et de la vie dans sa globalité, je vais reprendre, un peu résumés, les schémas de Mr. Willems, dont les références se trouvent aux p.50-77 de « la Valeur humaine de l’éducation musicale ». Ces schémas ne sont pas à considérer comme statiques, absolus, uniquement analytiques… Au fil de l’énumération, ils vont se compléter et s’enrichir, pour les relier à la vie humaine, à la vie « cosmique ».

2.2 Les XI schémas

Schéma I Les 3 éléments fondamentaux de la musique

Rythme Mélodie Harmonie – R M H

Dans cette simple triade, huit lois musicales nous permettent d’approcher et de mieux saisir cet art qu’est la musique.

  1. La loi génétique matérielle Ordonnance ordinale: R1 M2 H3
    Le rythme vient en premier lieu. Il a la priorité puisqu’il est indispensable à la mélodie et à l’harmonie.
  2. La loi d’intégration Ordonnance cardinale (n’exprime que la quantité, sans allusion à la qualité) :
    R < M < H
    La mélodie est plus que le rythme puisqu’elle le contient; de même, l’harmonie est plus que la mélodie.
  3. La loi génétique spirituelle Ordonnance qualitative :
    R < M > H
    La mélodie est le centre de la musique. Elle a la primauté (prééminence).
  4. La loi arithmétique
    R + M = H
    L’union du rythme et de la mélodie donne l’harmonie. Un même rythme donné avec des éléments mélodiques différents suscitera des fonctions harmoniques variées.
  5. La loi de continuité
    R …. M …. H
    On peut passer insensiblement du rythme à la mélodie et de la mélodie à l’harmonie:
    • 5.a R …. M
      • Les fluctuations d’intensité (qui sont de nature rythmique) nous laisse entendre des hauteurs sonores différentes.
      • La litanie, la psalmodie, le récitatif, le « lalaliement » du bébé.
      • Le langage.
      • Les phénomènes naturels, le vent, l’eau, l’air et le feu.
      • Les machines, les travaux manuels.
    • 5.b M …. H (considérée ici comme simultanéité de sons)
      • Certaines peuplades (les moines tibétains) font entendre des sons harmoniques dans leur chant.
      • Le timbre (une des qualité du son) est constitué de sons harmoniques.
      • Si l’on chante un intervalle mélodique de plus en plus rapidement, on passe insensiblement de l’élément mélodique à l’élément harmonique.
      • Le fait de chanter ou de jouer ensemble une mélodie a fait naître l’harmonie: le canon, la polyphonie.
      • L’ison grec (ison, égal) est un son tenu pendant lequel une mélodie est chantée.
      • Les instruments tels que la cornemuse, la vielle.
      • Un seul son, par ses propres sons harmoniques, nous introduit dans l’harmonie.
  6. La loi d’interdépendance
Tout élément est tributaire du tout et influence le tout.

7. La loi d’évolution

8. La loi d’analogie

Le même ordre se trouve partout et l’on peut donc établir des correspondances entre les arts.

Cet ordre analytique, envisagé dans un bon sens, qui part de la vie globale et complété par des données concrètes, ne va pas à l’encontre de l’unité.

Schéma II Les rapports psychologiques

Dans ce schéma, nous allons découvrir comment les 3 éléments fondamentaux de la musique sont tributaires des 3 fonctions humaines différentes: le rythme, pratiquement, est réalisé par des fonctions physiologiques, la mélodie par la sensibilité affective, et l’harmonie par le mental, capable de synthèse et d’analyse.

RythmeMélodieHarmonie
Viesphysiologiqueaffectivementale
ACTIONSENSIBILITECONNAISSANCE
(synthèse)


Ce schéma, qui peut paraître simpliste, est en fait un point de départ de la conception de l’éducation musicale. Il nous place face à un ordre qui nous permet de réaliser un travail pratique et constructif.

Schéma III Les Pôles matériels et spirituels
(Selon la synthèse des schémas d’E.Willems rassemblés par J. Chapuis)

Afin d’élargir notre vision sur la musique et la vie, nous avons agrandi le schéma précédent (II) et le situons entre 2 pôles extrêmes, opposés et complémentaires.

Pour avoir en miroir les relations entre l’être humain et la musique, je m’arrêterai là, contrairement à J. Chapuis qui, sur son tableau de synthèse, aborde également les lois de complexité-conscience, selon Teilhard de Chardin.

Sur ce plan, nous évoquons les 2 pôles, l’un de nature matérielle, l’autre de nature spirituelle. Nous entrons dans le monde du mystère. Pourtant, ne dit-on pas que les 2 extrêmes se rejoignent, les pôles ne sont-ils pas associés aux aimants? Ne dit-on pas que la matière et l’esprit ne font qu’un, que, pour être en harmonie, l’un a besoin de l’autre ?

Du point de vue spirituel, (et le mot est relatif) nous pouvons dire que l’art véritable dépasse la compréhension humaine, et donc, nous pouvons parler de dimensions suprahumaines, ou supramentales. Nous nous limiterons à une conception plus pragmatique de l’univers, mais ne pouvons toutefois nier l’existence de théories ésotériques, dépassant parfois notre entendement. Cette existence de phénomènes qui, parfois, nous échappent est peut-être un contrepoids aux tendances matérialistes qui aboutissent à une suprématie de la matière. On peut dire que la MATIERE a besoin de l’élan créateur, d’ordre plus spirituel, et que l’ESPRIT a besoin du support matériel.

Schéma IV La triple valeur des éléments constitutifs de la musique

Ce schéma nous rappelle à la fois l’unité de la musique et la richesse de chacun de ses éléments.
Nous apercevons la complémentarité et l’équilibre.

Schéma V Les règles de la nature

vibration sonorerythme/sonmélodieharmonieart
règne minéralvégétalanimalhumainsuprahumain
Nous pouvons considérer ce schéma sous des angles différents, avec des avis divergents :
  • Si nous croyons à l’évolution des règnes, lisons ce schéma de gauche à droite.
    Toutefois cette continuité structurelle ne fait pas l’unanimité chez bon nombre de scientifiques et philosophes. Il pourrait, d’après eux, manquer un principe de vie (un maillon) entre le règne minéral et végétal. (Evolution de l’univers en terme de matière) 
  • Si nous considérons ce schéma sous l’aspect d’évolution spirituelle, là aussi les avis divergent: D’après Teilhard de Chardin (jésuite français, philosophe et anthropologue (1881-1955), il y aurait un saut entre le règne minéral et végétal, ainsi qu’un autre entre le règne animal et humain.

Il reste donc une évidente part de mystère qui devient un élément moteur pour aller de l’avant, et s’interroger sans cesse sur l’évolution de la matière et ses liens avec l’évolution spirituelle. 

Schéma VI L’Audition

Viesensorielleaffectivementale
Nerf auditifniveau bulbaireniveau diencéphalique niveau cortical

L’audition comporte trois domaines caractéristiques différents: l’audition sensorielle, affective et mentale. D’après Raoul Husson (Dr ès-Sciences, Maître de recherche au CNRS), le cheminement du nerf auditif passe par des relais:

  • « Le niveau bulbaire apporte des actions réfléchies motrices ou dynamiques. C’est l’  » étage  » des rythmes ». 
  • « Le niveau diencéphalique …. c’est  » l’étage  » où la musique reçoit sa nuance affective. C’est à ce niveau notamment que les modes se revêtent de leur ethos (en grec, ethos = caractère juste, bon) particuliers, (ethos du Majeur, du mineur, etc…) et que les motifs mélodiques prennent leur signification affective ». 
  • « Le niveau cortical surcharge la sensation musicale d’un cortège d’immenses activités physiques. La formation d’ethos d’harmonie apparaît comme relevant d’un double conditionnement: en premier lieu de niveau hypothalamique… (En grec, upo = sous, thalamos = chambre), en second lieu de niveau cortical (écorce, couche extérieure du cerveau) déterminant des représentations intellectuelles diverses ».

(Tiré des annales des télécommunications tome 8, N°2, février 1953; et cahier d’acoustique N°49, par Raoul Husson.) 

Schéma VII La Musicothérapie

SonRythmeMélodieHarmonie
SonothérapieRythmothérapieMélothérapieHarmothérapie

La musicothérapie est bien présente, tant dans l’Education, la Rééducation que dans le domaine médical.
L’éducation musicale bien pratiquée a un effet prophylactique et aboutit à une forme de musicothérapie. Toutefois, la musicothérapie exige une maturité musicale, des connaissances sur la psychologie ainsi que des connaissances médicales. C’est pourquoi le professeur d’éducation musicale ne peut se dire musicothérapeute. Il existe pour cette formation des Ecoles spécialisées. (c.f. La Valeur humaine de l’éducation Musicale, chapitre III, paragraphe 10, pp. 119-130)

Schéma VIII Les races

Pour ne pas trahir la pensée de E. Willems, je ne peux pas outrepasser ce schéma sur la musique des races. C’est pourquoi je vais vous exposer brièvement la synthèse, qui, à mes yeux et à mon entendement, ne me convainc pas entièrement. Je ne maîtrise pas suffisamment le domaine ethnomusicologique pour donner plein sens à ce schéma. Je prie le lecteur intéressé de se reporter au livre de la Valeur Humaine de l’éducation Musicale, pp. 63 à 68.

Si l’on se réfère à notre fameuse triade :
Rythme Mélodie Harmonie
Les races seraient
Noire Jaune Blanche

  • Je peux considérer la musique des Noirs d’Afrique comme abondamment colorée rythmiquement, et jouée sur une palette gigantesque d’instruments à percussions. 
  • Quant à la musique de l’Orient, la mélodie y est en effet la reine. On y trouve de très nombreux modes subtilement variés, à connotations spirituelles et métaphysiques, dont les sens ont des rapports avec les dieux, les saisons, les mois, etc… . 
  • La musique de l’Occident, quant à elle, est du fait de son évolution harmonique, de nature plus mentale. Pour interpréter ou composer de la musique, il nous est indispensable de connaître sa « géographie harmonique » de nature consciente réfléchie. 

Schéma IX Les dimensions

GEOMETRIElignesurfacevolumetesseract
VIESvégétaleanimalehumainesuprahumaine
DIMENSIONS VITALESpremièredeuxièmetroisièmequatrième

La ligne symbolise la vie végétale,la propulsion, la poussée vitale. Le rythme y participe. Nous pouvons y découvrir la conscience végétative.
La surface symbolise la vie animale, la vie des sens avec l’affectivité qui lui est propre. Elle est plus que la ligne, puisqu’il y a déploiement, qui donne la mélodie venue d’une source sensible, du coeur.

Le volume symbolise la vie humaine, la vie globale synthétique et analytique, qui nous permet d’entrer dans la conscience harmonique, de nature tridimensionnelle.
Les relations entre ces trois dimensions nous amènent à la quatrième dimension, la conscience supérieure, tétradimensionnelle, qui est l’apanage des êtres exceptionnels, musiciens, scientifiques, philosophes, …

Pour conclure, la ligne est une synthèse de points, la surface une synthèse de lignes, le volume une synthèse de surfaces et un tesseract une synthèse de volumes.
Transposé dans la musique, le rythme est une synthèse de sons, la mélodie une synthèse de rythmes,l’harmonie une synthèse de mélodies et l’art une synthèse d’harmonie.

Schéma X Le Beau, le Bien, le Vrai

Viephysiologiqueaffectivementale
BEAUBIEN VRAI

Chacun de ces éléments a besoin des deux autres : le Beau est à la fois Bien et Vrai, le Bien est à la fois Beau et Vrai et le Vrai est la fois Beau et Bien :
  • Le Beau nécessite la matière, soit dans la nature, soit dans la création artistique: la vibration pour la musique, la couleur pour la peinture, le corps pour la danse, les mots pour la poésie, le bois, la pierre, le ciment, etc… pour la sculpture, l’architecture.
  • Le Bien est d’ordre moral, de l’ordre de l’affectivité, de l’émotivité, de l’amour, des sentiments élevés.
  • Le Vrai évolue dans le domaine de l’intelligence, du mental. Il se base sur des idées, des jugements.
  • Le Beau manie la matière avec amour; pour transcander la nature, il manie des idées.
  • Le Bien se manifeste par des actions et se réalise en général consciemment.
  • Le Vrai est connaissance et sagesse; il tend à l’action. La sagesse est à la fois connaissance et amour.

Quant aux sentiments religieux (en latin, religere = qui relie l’être humain à l’Univers), il se situe dans la quatrième dimension. Il a ses racines dans l’intuition supramentale et l’amour impersonnel.

Schéma XI Les Arts en général

Vieunidimensionnellebidimensionnelletridimensionnelle
ARTS LYRIQUES
Musiquerythmemélodieharmonie
Poésierythme verbalintonationsujet
Danserythme corporel expression affectivesens plastique
ARTS PLASTIQUES
Dessinlignesurfacesperspective, sujet
Peinturemouvementcouleursperspective de la couleur, sujet
Architecturestructure linéairesurfacesle volume, la contenance
Sculpturemouvementsurfacesvolume, sujet
ARTS DRAMATIQUES
ThéâtreUnion de plusieurs arts
CinémaUnion de plusieurs arts

Cette liste n’est pas limitative! Il existe d’autres arts: mime, pantomime, gravure, etc… et nous pourrions groupes les éléments constitutifs sous l’angle de cette même triade. L’on pourrait également concevoir une 4ème dimension, de l’art supérieur, supramental.

Tous les schémas présentés sont comme des descriptions de symboles: ils sont pauvres en regard des phénomènes de la vie qu’ils tentent d’évoquer.
Cependant ils disent la complexité mais également l’ordonnance des phénomènes qui caractérise notre Monde (Cosmos, au sens étymologique du grec).

3ème PARTIE « plus pratique »

Avant de me lancer dans cette description plus pratique, je tiens à préciser que cette éducation « idéale » ne doit pas se faire que dans les trois premiers degrés de l’éducation musicale, mais bien tout au long de l’apprentissage, tant solfégique, qu’harmonique, ou encore qu’instrumentale !

Dans un contexte plus pratique d’une leçon d’éducation musicale Willems, c’est au professeur de comprendre, développer et saisir les moments opportuns pour faire un rapport entre une application et ses conséquences, et mettre en relation l’acte et l’idée, ou l’idée et l’acte. Voici, énoncés dans le déroulement d’une leçon, quelques exemples :

3.1 Développement auditif

Si l’on considère le son comme « matière première », beaucoup de « jeux » auditifs seront, dans un premier temps, perçus sensoriellement. Il est cependant clair que des aspects affectifs, voire analytiques, vont apparaître différemment chez les enfants. Il n’est en effet pas possible de dissocier totalement ces trois phénomènes (sensoriel, affectif, mental). Ils s’interpénètrent, interagissent, se croisent, etc… . C’est au professeur de privilégier un aspect plutôt qu’un autre suivant le développement soit de l’enfant, soit de l’exercice, ou des deux.

A ce stade, l’enfant est dans l’imitation . Le professeur est l’exemple ! Ce que nous proposons, transmettons, est donc très important. Nous devons y mettre la beauté ( » joliesse « ), la qualité et la vérité (dans le sens  » convaincu « ). Chaque acte musical est unique et va s’imprégner chez l’enfant.

Timbres et reconnaissance : Les 4 qualités du son sont la hauteur, le timbre, la durée et l’intensité. Les divers objets sonores présentés vont nourrir l’imagination de l’enfant et développer son sens de l’écoute, sa concentration, son imitation vocale (liée à l’organe auditif), son sens critique, de comparaison, etc… . Outre le matériel auditif amené par le professeur, et en référence avec ce que la nature nous offre, nous pouvons prendre le temps et être attentifs à tous les bruits, les sons qui nous entourent. De même, nous pouvons rendre attentifs les enfants à nos voix, si subtilement différentes… .

Développement du mouvement sonore : La sirène, la flûte à coulisse, la voix ainsi que le corps tout entier, puis les bras seuls nous impliquent, nous immergent dans le mouvement sonore, inscrit tout d’abord dans sa globalité et d’ordre principalement sensoriel. L’imitation, les inventions, les devinettes vont continuer la progression pour aller vers la lecture et l’écriture panchromatique (en grec, pan = tout et krôma = couleur). Là intervient un phénomène de prise de conscience, de synthèse, d’ordre plus mental.

La gamme est une mélodie simple et naturelle qui se chante souvent d’instinct. Ce passage au mouvement sonore diatonique (en grec, dia = à travers, avec, de , par et tonikos = qui reçoit le ton, l’accent) implique et débouche sur plusieurs faits: la mélodie, d’ordre affectif, l’intervalle et l’accord, d’ordre sensoriel, affectif et mental, ainsi que, le nom des sons, le nom des notes, les ordonnances et la lecture et l’écriture musicale, d’ordre mental puisque relié à l’esprit de synthèse.

Ces succinctes présentations nous indiquent combien il est important de connaître et de comprendre les phénomènes musicaux, ici principalement liés au son, à la mélodie, pour établir des liens entre ces-dits phénomènes et les divers aspects psychologiques du fonctionnement humain.

3.2 Développement rythmique


« Le rythme est un beau mouvement » Saint Augustin, Père de l’église (354-430)

« Le rythme est un mouvement ordonné » E.Willems


Le rythme, par définition, est mouvement (en grec, reô = couler).
Sans vie, il n’y a pas de rythme. On peut donc dire que le rythme est la vie. Au sens large du terme, le rythme est partout, sous différentes formes. Ne dit-on pas « le rythme des journées », « le rythme des saisons », « le rythme cardiaque », etc… ? Pour que le rythme s’inscrive dans un acte musical, il faut qu’il soit sonore. Pour qu’il soit sonore, il faut un choc sonore. C’est le début du rythme musical. Le rythme est un élément de vie, de source physiologique qui a sa clé pratique dans le corps humain. Le rythme est un mouvement ordonné qu’il s’agit de faire jaillir, tout d’abord sans conscience (je veux dire spontanément), avec tout son corps (motricité à large spectre), généré par un élan dynamique d’ordre musculaire, lié à l’imagination créatrice. Il sera dans un premier temps, de nature plastique, pré musical.

Puisque nous parlons de la vie, parlons du rythme vivant, que nous trouvons dans notre quotidien :
Le rythme de nos pas, de notre respiration, du coeur; Le rythme du pic dans les bois,
Le rythme des sabots du cheval,
Le rythme du tonnerre, des gouttes de pluie,
Le rythme du marteau du forgeron, du cordonnier, Le rythme des vagues sur la grève, etc… .

A ce stade, le rythme est vécu physiquement sous formes de frappés, ou avec tout son corps, et est libre et rythmique (esquisse de formule). Puis, le mouvement du rythme s’ordonne petit à petit, sans pour autant y perdre la vie. Nous y associons naturellement les trois qualités essentielles du rythme: la durée, l’intensité, la plastique. Ces nuances sont tributaires du « coeur », point central de la nature du rythme: les rythmes des différents climats, des différents « états d’âme » proposés par le professeur vont amener la variété, tant dans la vitesse que dans l’intensité, et demander une plasticité souple et une motricité toujours plus fine, propre aux différents genres.

L’imitation, puis l’invention dicteront le geste juste, qui saura traduire l’intention. Ce geste qui, dans le futur, aura une grande importance pour l’écriture et le jeu instrumental. L’acte précède la conscience. Sur ces bases vivantes et variées peuvent se construire la conscience rythmique, de nature plus mentale. Elle sera indispensable pour la lecture et l’écriture rythmique, indispensable pour la composition. Cette conscience va permettre à l’enfant de canaliser sa vie rythmique.

Cette organisation rythmique, nous allons la trouver également dans les chansons de différents caractères, de différents tempi (tempo = unité première), de différentes divisions binaires ou ternaires (division = unité inférieure qui peut encore se subdiviser), de différentes mesures à 2, 3 ,4 temps, ou irrégulières, ou à temps inégaux (mesure = unité supérieure). Les chansons vont nous permettre de passer de l’action instinctive semi-consciente à la conscience réfléchie.

Les mouvements corporels naturels sont, eux-aussi, un moyen de « conscientiser » corporellement l’acte rythmique:
Par la marche (tempo), la course (division), le sautillé, le galop (esquisse de formule), les sauts, les balancements, les mouvements tournants, les petites danses improvisées, nous allons favoriser le sens du tempo, de la division, de la mesure, de la carrure, du phrasé, des nuances agogiques, du contre-temps, etc… . Ces « consciences » citées ci- dessus ne doivent pas être au détriment ni de l’expression, ni de la valeur plastique du rythme musical.

3.3 Les Chansons

Ce n’est pas un hasard si nous plaçons les chansons au centre de la leçon de musique. En effet, la chanson touche notre sensibilité, notre affect, mais également notre sens rythmique, de nature physiologique, et notre sens harmonique, de nature mentale. De par sa mélodie, son mode, ses intervalles mélodiques, son « climat », son histoire, l’émission et la justesse vocale, ses paroles, son harmonisation, nous touchons à tous les aspects humains. N’oublions pas non plus que la chanson va développer les différentes mémoires auditives et rythmiques, ainsi que l’audition intérieure, clé de la musicalité, et l’imprégnation polyphonique (canons, chants à deux voix) et harmoniques (accompagnement pianistique).

3.4 Les mouvements corporels

Nous avons déjà parlé des mouvements corporels naturels dans la partie rythmique (sous-chapitre 3b), mais je tiens à compléter avec la manière d’aborder et faire vivre ces mouvements, en relation avec l’enfant.

Nous partons de la vitesse des petites jambes des enfants pour musicaliser le pas. Ainsi, nous rendons le mouvement possible, puisqu’il part de l’enfant-même. L’inverse sera proposé plus tard dans le développement, lorsque l’on sentira l’enfant capable de maîtriser et contrôler son dynamisme rythmique.

Pour varier les caractères des marches ou des courses, l’on peut faire appel à l’imagination des enfants afin de provoquer des états corporels différents: Marche- promenade, marche lourde, marche légère, marche fatiguée, course sans faire du bruit, course avec des bottes trop grandes, etc…

Les apports musicaux vont permettre d’ouvrir l’enfant à des styles différents, puisque l’on peut aussi bien pratiquer ces mouvements sur de la musique enregistrée (répertoire d’E. Willems), ou encore sur de la musique populaire ainsi que sur la grande musique des Maîtres.

Conclusion

Pour souligner les véritables valeurs de l’expression artistique, je terminerai ma rédaction par des extraits de critiques, parues dans la presse écrite, ainsi que par des extraits de pensée de grands maîtres. Les événements artistiques de qualité démontrent l’impact de l’art sur l’être humain et ce que l’être humain peut sublimer au travers de l’expression artistique:

« Mozart dansé au futur antérieur. » 24Heures du 10.06.03

« […] cela peut sembler une étrange entreprise que celle de faire danser un opéra dans son intégralité (la flûte enchantée), mais d’une part la voix humaine est le plus merveilleux support pour la danse, d’autre part le geste chorégraphique transcende le réalisme et la pensée subtile de la phrase musicale. » […] « Ce qui est beau dans la « flûte », c’est que c’est une oeuvre d’amour et de pensée, mais que c’est aussi une oeuvre où l’art se dépasse lui-même. Comme la 9ème symphonie dépasse la symphonie, la « flûte » est un opéra qui dépasse l’opéra. » […]

(Dixit M. Béjart)

« Piano en faillite à Montreux » 24 Heures du 11.09.03 (à propos de la 20ème édition du concours Clara-Haskil)

« […] On n’avait jamais retenu autant de dossiers, on avait retenu le nombre record de septante-quatre candidats pour les éliminatoires, et trois valeureux finalistes se sont présentés ce soir à l’Auditorium Stravinsky, à Montreux. […] Et puis patatras… . Le président du jury, Michel Dalberto, est venu annoncer au public que le prix Clara- Haskil ne serait pas décerné cette année! (Comme à trois reprises dans l’histoire du concours). Se voulant fidèle à l’esprit de Clara-Haskil, le jury a toujours défendu l’idée que ce concours ne récompensait pas le meilleur candidat de chaque compétition, mais souhaitait distinguer un digne héritier de l’art de la célèbre pianiste. « Notre décision ne signifie pas que les finalistes sont de mauvais pianistes; mais s’ils n’arrivent pas à exprimer une réelle sensibilité dans le répertoire que nous privilégions, il faut qu’ils jouent autre chose. »[…] »

(Dixit M. Dalberto)

Une pensée, parmi d’autres, de Pablo Casals :

La musique, ce merveilleux langage universel devrait être une source
de communication entre les hommes. Je recommande à nouveau à mes collègues
musiciens dans le monde de mettre la pureté de leur art au service de l’humanité pour
unir tous les peuples avec des liens fraternels. Que chacun d’entre nous contribue,
selon ses propres possibilités, à accomplir pleinement cet idéal.

La musique est un grand mystère.
Elle ne livre ses secrets qu’à ceux qui l’aiment. Elle est naturelle.
Elle est humaine.
Elle est divine.
Notre musique sera ce que nous en ferons. Tel homme, telle musique.

Voulons-nous que notre musique serve la cause humaine?
Voulons-nous qu’elle enrichisse l’homme?
Voulons- nous qu’elle élève l’être humain?
Et qu’elle soit à la fois délassement, culture,

ennoblissement, prière ?
Elle est à notre service.

La musique discipline le corps,
La musique délecte le coeur,
La musique forme l’esprit.
Il y a de grandes forces dans la musique.

Pour l’âme et pour le corps.

E.Willems

Sources d’inspirations pour cette rédaction :

  • Les Bases psychologiques de l’Education Musicale, E.Willems, éditions Pro
    Musica, 4ème édition, 1987 
  • La Valeur humaine de l’éducation musicale, E. Willems, éditions Pro Musica, 2ème
    édition, 2004 
  • La musique dans l’oeuvre de Platon, Evanghelos Moutsopoulos, éditions POF 
  • Nombreuses notes prises durant ma formation pour le Diplôme didactique
    Willems, divulguées par J. Chapuis 
  • Expériences et réflexions accumulées depuis plus de 30 années de pratique dans le
    domaine de l’Education musicale.